Jacob
Boehme
OU
Ecrit en l'an 1620
Préliminaire
Cette traduction est due au travail collectif des membres du
Groupe Martiniste "Quatuor Coronati", Collège
de New York, rattaché à l'Ordre Martiniste des Pays-Bas. Elle
n'a d'autre but que de mettre à la disposition des étudiants de
la théosophie classique l'un des textes rares du théosophe de
Görlitz, dans un langage contemporain.
Préface de l'auteur
La connaissance précieuse ne sera pas obtenue tant que l'âme
n'aura pas assiégé, conquis et abattu le mal, ayant ainsi
gagné la couronne de fleurs du Chevalier, que la Chasteté
gracieuse et vierge pose sur le front du champion du Christ,
après sa victoire. Alors la connaissance merveilleuse montera,
mais sans la perfection.
Le premier point
Du Sang et de l'Eau de l'Ame
1. Tout ce qui est substance et tangible est dans ce monde. Etant donné que l'âme n'est ni une substance ni une entité en ce monde, ni son sang et ni son eau ne sont substance ou entité dans ce monde.
2. Il est certain que l'âme, avec son sang et son eau, réside dans le sang et dans l'eau extérieurs; mais sa substance est magique. Car l'âme est aussi un feu magique, et son image ou forme est créée dans la lumière (par la force de son propre feu et de sa propre lumière) émanant du feu magique; et pourtant celle-ci est une image véritable de chair et de sang, mais non pas dans son état original.
3. Comme la sagesse de Dieu a un être et cependant existe: la sagesse n'est pas un être. Ainsi l'âme avec son image possède une existence, et pourtant celle-ci, l'âme, n'est qu'un feu magique, mais sa subsistance prend sa source dans sa substance.
4. De même qu'un feu a besoin de substance pour brûler, ainsi le feu magique de l'âme a la chair, le sang, et l'eau. Il n'y aurait point de sang si la teinture du feu et de la lumière n'étaient point de l'eau. Cette teinture est l'entité ou la vie de la sagesse (qui a en elle toutes les formes de la Nature), et est l'autre feu magique.
5. Car elle donne toutes les couleurs; et de sa forme émane l'énergie divine de la nature douce de la lumière (c'est-à-dire: selon la propriété de la lumière qui est en elle); et selon la propriété du feu qui est en elle; elle est une subtilité de la transmutation. Elle peut mener toute chose à son degré le plus élevé; bien qu'elle ne soit pas un esprit vivant, mais l'entité suprême.
6. Ainsi, la teinture est la même entité dans l'eau, et elle introduit en cette dernière, les propriétés du feu et de la lumière, avec toutes les forces de la Nature par lesquelles elle transforme l'eau en sang; et ceci elle le fait dans l'eau extérieure et aussi bien que dans l'eau intérieure, de même qu'elle le fait au sang extérieur et intérieur.
7. Le sang intérieur de l'état de la substance divine est également magique; car c'est la Magie qui le transforme en substance. C'est le sang spirituel, que la nature extérieure ne peut atteindre (rügen), que par imagination. L'imagination intérieure introduit la volonté extérieure dans le sang intérieur, par ce processus, le sang et la chair de l'état de la substance divine sont corrompus, et la noble image de la ressemblance avec Dieu est éclipsée.
8. Le sang et la chair de l'âme résident dans le plus haut mystère, car ils sont l'état de la substance divine. Et lorsque le sang et la chair extérieurs meurent, ils tombent dans le mystère extérieur, et le mystère extérieur tombe dans le mystère intérieur.
9. Et chaque feu magique a son éclat et son obscurité en soi-même; ce qui cause la désignation d'un jour final de séparation: lorsque tous devront passer à travers un feu et seront éprouvés, ce qui déterminera ceux qui seront aptes, et ceux qui ne le seront pas. Alors toute chose retournera dans sa propre magie, et sera alors comme elle était depuis l'éternité.
Le
deuxième point.
De l'élection de la grâce.
Du bien et du mal.
1. Dieu seul, depuis
l'éternité est tout. Son essence se divise en trois
distinctions éternelles. La première est le monde-feu, la
seconde est le monde des ténèbres, et la troisième est le
monde-lumière. Et pourtant, il n'y a qu'une seule essence, l'une
dans l'autre; mais l'une n'est pas l'autre.
2. Les trois distinctions sont pareillement éternelles et sans
limites, ni ne sont restreintes ni dans le temps ni dans
l'espace. Chaque distinction s'enferme en elle-même dans un
être; et sa qualification est en accord avec sa propriété, et
dans cette qualification réside aussi son désir, comme le
centrum naturae (centre de la nature).
3. Et le désir est sa création, car le désir crée l'être où
il n'y en avait point, et cela dans l'essence du désir, selon la
propriété du désir. Et l'ensemble n'est qu'une Magia, ou la
faim pour l'état d'être.
4. Chaque forme crée un être dans son désir; et chaque forme
se remplit du miroir de sa propre clarté, et a sa vision dans
son propre miroir. Sa vision est une ténèbre pour un autre
mirroir, et sa forme est cachée pour un autre il; mais
dans la sensation, il y a une différence.
5. Car chaque forme dérive sa sensation de l'état originel des
trois formes de la Nature, à savoir: l'aigre, l'amer et
l'angoisse; et pourtant, dans ces trois formes, il n'y a aucune
souffrance en soi, mais le feu y cause la douleur que la lumière
transforme à nouveau en douceur.
6. La vraie vie est enracinée dans le feu; il y a un lien entre
la lumière et les ténèbres. Ce lien est le désir avec tout ce
dont il se remplit; c'est pour cela que le désir appartient au
feu, et que sa lumière brille de ce feu. Cette lumière est la
forme, pou la vue, de cette vie; et la substance introduite dans
le désir est le bois à brûler dont le feu brûle, qu'il soit
dur ou tendre; c'est aussi son royaume de paradis ou d'enfer.
7. La vie humaine est le lien entre la lumière et les
ténèbres; elle brûlera dans celle à laquelle elle
s'abandonnera. Si elle s'abandonne au désir de l'essence, elle
brûlera dans l'angoisse, dans le feu des ténèbres.
8. Mais si elle s'abandonne à un néant, elle sera sans désir
et tombera dans le feu de la lumière; et ainsi brûlera sans
douleur; car elle n'apporte à son feu aucun combustible qui
pourrait alimenter un feu. Comme il n'y a aucune douleur en elle,
ni que la vie ne reçoit pas de souffrance, car elle (la vie)
n'en contient aucune en elle-même; elle (la vie humaine) tombera
dans la Magia première, qui est Dieu dans sa triade.
9. Lorsque naît la vie, celle-ci possède tous les trois mondes
en elle. Elle sera contenue dans le monde auquel elle s'unira et
c'est de ce feu qu'elle brûlera.
10. Car, lorsque la vie s'enflamme, elle est attirée par tous
les trois mondes; et ils se meuvent dans l'essence, comme dans le
premier feu qui s'enflamme. Quelle que soit l'essence que la vie,
dans son désir, choisisse et reçoive; c'est de ce feu qu'elle
brûlera.
11. Si la première essence dans laquelle la vie s'enflamme est
bonne, alors le feu est aussi plaisant et bon. Mais si celle-ci
est mauvaise et obscure, qu'il consiste d'une propriété de
violente furie, alors le feu sera aussi un feu-furie, et il aura
un désir correspondant, se conformant à la propriété de ce
feu.
12. Chaque imagination désire seulement une essence pareille à
elle-même et de la nature dont elle naquit originellement.
13. Actuellement, la vie de l'homme est pareille à une roue dont
bientôt le point le phus bas deviendra le point le plus haut.
Elle s'enflamme à chaque essence et se souille de chaque
essence. Mais elle se baigne dans le mouvement du cur de
Dieu, une eau de gentillesse; et de cet endroi, elle est capable
d'introduire un état de substance dans son feu-vie. L'élection
de Dieu ne dépend pas de la première essence.
14. Car la première essence n'est que le Mysterium pour une vie;
et la première vie ainsi que le feu dont elle s'enflamme,
appartient au Mysterium dont elle a pris l'essence; que cette
essence soit entièrement violente, ou une essence mixte, ou une
essence de lumière en accord avec le monde-lumière.
15. La propriété dans laquelle la vie prend ascension est aussi
celle dont brûlera sa lumière. Cette vie n'a pas d'élection et
aucun jugement ne sera porté sur elle; car elle tient de sa
propre condition primitive, et porte son jugement en elle-même.
Elle se sépare de toute autre source (Qual); car elle ne brûle
que de sa propre source, de son propre feu magique.
16. L'élection est en rapport avec ce qui est introduit, qui
peut appartenir à la lumière, soit aux ténèbres. Car selon
que ce qui est introduit appartienne à une propriété ou à une
autre, ainsi sera aussi la volonté de sa vie. C'est ici que l'on
peut savoir si elle est d'une nature de violente furie, ou d'une
essence d'amour. Aussi longtemps qu'elle brûle d'un seul feu,
elle est abandonnée par l'autre; et l'élection du feu dans
lequel elle brûle se transmet à la vie, par ce même feu aussi
longtemps qu'elle reste dans ce feu.
17. Mais si la volonté de ce feu (comme le punctum volant)
plonge dans un autre feu et s'y enflamme, elle pourra allumer de
ce feu la vie entière, et pourra rester dans ce feu.
18. Alors la vie renaît, soit au monde des ténèbres ou à
celui de la lumière, (selon le monde dans lequel la volonté
s'est enflammée), et alors surgit une autre élection. Et voila
la raison pour laquelle Dieu tolère que l'homme enseigne, et il
en est de même du diable. Chacun d'eux désire que la vie plonge
dans son propre feu et s'y allume d'elle-même. Et ainsi l'un des
mysterium saisit l'autre.
Le
troisième point
Du péché.
De ce qu'est le péché et pourquoi c'est péché
1. Une chose qui est Une n'a ni commandement, ni loi. Mais si
cette chose se mélange à une autre, il en résulte deux êtres
distincts, existant comme un seul, mais aussi deux volontés,
l'une opérant à l'encontre de l'autre. Voilà l'origine de
l'opposition ou de l'inimitié.
2. Considérons l'opposition à Dieu. Dieu est Un et bon; sans
aucune souffrance ou qualité limitée (Qual); et bien que toute
source ou qualité (Qual) soit en Lui, Il n'est pas encore
manifesté. Car le bien a absorbé le mal, le contraire de
soi-même, et le garde enfermé dans le bien, tel un prisonnier;
car le mal sera l'une des causes de la vie et de la lumière,
mais non manifestée. Pourtant, le bien meurt dans le mal, afin
de pouvoir se mouvoir dans le mal, sans souffrance ni sensation,
en soi-même.
3. L'amour et l'inimitié sont une seule et même chose; mais
chacune réside en soi-même, ce qui en fait deux choses
distinctes. La mort est la ligne de démarcation entr'elles; et
pourtant la mort n'existe pas, sauf que le bien meurt au mal,
comme la lumière est morte à la morsure du feu et ne sent plus
le feu.
4. Nous devons donc encore expliquer le péché dans la vie
humaine. Voici: la vie est Une et bonne; mais s'il existe une
autre qualité à l'intérieur d'elle-même, celle-ci devient une
inimitié contre Dieu, car Dieu réside dans la vie la plus
élevée de l'homme.
5. Cependant, aucune existence incommensurable ne peut résider
dans une existence mesurable. Car dès que la vraie vie éveille
la douleur en elle-même, celle-ci n'est plus identique au
néant, dans lequel il n'y a pas de douleur. C'est pourquoi,
l'une se sépare immédiatement de l'autre.
6. Car le bien - ou la lumière - est comme un néant; mais si
quelque chose le pénètre, alors celui-ci devient autre chose
que le néant, car la chose qui le pénètre réside en
elle-même, en tourment (Qual); car là où il y a quelque chose,
il doit aussi y avoir aussi une qualité (Qual) qui la crée et
la maintienne.
7. Considérons maintenant l'amour et l'inimitié. L'amour ne
possède qu'une seule qualité et une seule volonté; celui-ci ne
désire que l'objet de son amour, et rien d'autre; car le bien
est seulement l'Unité, et la qualité est multiple; et la
volonté humaine, qui désire de multiple choses, apporte en
elle-même et dans l'Unique (où réside Dieu), le tourment de la
pluralité.
8. Car le multiple est ténèbre et assombrit la vie de la
lumière; et l'Unique est la lumière, car Celui-ci s'aime
Soi-même et ne possède aucun désir pour le multiple.
9. La volonté de la vie doit donc être dirigée vers l'Unique
(comme vers le bien), et ainsi demeurer dans une qualité unique.
Mais si celle-ci imagine une autre qualité, elle se rend
elle-même enceinte de cette chose qu'elle désire.
10. Et si cette chose se trouve être sans fondation éternelle;
elle aura une racine périssable et fragile. Alors la chose
recherchera une racine pour assurer sa préservation, afin de
subsister. Car chaque vie réside dans un feu magique, et chaque
feu doit avoir une substance pour pouvoir brûler.
11. Cette même chose doit créer pour elle-même une substance
selon son désir afin que son feu ait un combustible pour se
nourrir. Aucun feu-source ne peut subsister dans le feu libre,
car ce dernier ne peut l'atteindre, n'étant lui-même qu'une
chose.
12. Tout ce qui subsiste en Dieu doit être libéré de sa
volonté propre. Il ne peut y avoir aucun feu individuel brûlant
à l'intérieur de soi-même, car le feu de Dieu doit être son
feu. Sa volonté doit être unie à Dieu, afin que Dieu et la
volonté et l'esprit de l'homme ne soient qu'une seule et même
chose.
13. Car ce qui est Un ne peut pas être en désaccord ou en
inimitié avec soi-même, puisque ne possédant qu'une volonté.
Où qu'il aille, quoiqu'il fasse, il reste Un avec soi-même.
14. Une volonté unique ne peut avoir qu'une imagination unique,
et l'imagination ne créer ou ne désire que ce qui s'assimile à
elle-même. C'est de cette manière que nous devons comprendre la
volonté contraire.
15. Dieu réside en toute chose; et rien ne Le contient, sauf si
une telle chose est Une avec Lui. Mais si celle-ci sort de
l'Unité, elle sort de Dieu et entre en elle-même, et devient
alors différente de Dieu, en s'en séparant elle-même. Et voici
que se manifeste la Loi qui veut que toute chose doive re-sortir
de soi-même pour retourner dans l'Unité ou bien rester
séparée de l'Unité.
16. Et voici comment on peut savoir ce qui est péché, et
pourquoi c'est péché. Lorsqu'un être humain veut se séparer
lui-même de Dieu, en une existence propre, il éveille son
propre Soi et brûle de son propre feu, qui n'a pas la capacité
du feu divin.
17. Car toute chose que la volonté pénétrera et dont elle
prendra possession sera devenue étrangère à la volonté Une de
Dieu. Car tout appartient à Dieu et rien n'appartient à la
volonté de l'homme. Mais si celle-ci réside en Dieu, alors tout
lui appartient aussi.
18. Donc, nous reconnaissons que le désir est péché. Car
celui-ci est une attirance d'une séparation de l'Unité vers le
multiple et l'introduction du multiple dans l'Unité. Il voudra
posséder, et pourtant devrait être sans volonté. C'est par le
désir que se cherche la substance, et c'est dans la substance
que le désir allume un feu.
19. Chaque feu particulier brûle selon le caractère de son
être propre; et voici comment naissent la séparation et
l'inimitié. Car le Christ a dit: "Celui qui n'est pas
avec moi, est contre moi; et celui qui n'amasse point avec moi,
dissipe au lieu d'amasser." (Luc XI,23) Car celui-ci amasse sans Christ; et
tout ce qui n'est pas en Lui, est en-dehors de Dieu.
20. Nous voyons donc que l'avarice est péché; car il s'agit
d'un désir extérieur à Dieu. Et nous comprenons aussi que
l'orgueil est péché, car celui-ci tendra à devenir sa chose
propre, en se séparant de soi-même de Dieu, comme de l'Unité.
21. Car tout ce qui réside en Dieu doit se mouvoir en Lui, dans
Sa volonté. Nous voyons donc que nous sommes tous en Dieu, comme
une unité répartie en de nombreux membres; il va donc à
l'encontre de Dieu, celui qui se sépare des autres, en se
faisant lui-même un seigneur, comme l'orgueil peut le faire.
L'orgueil se fera un seigneur, et Dieu est le seul Seigneur. Il y
aura donc deux seigneurs, l'un se séparant de l'autre.
22. C'est pour cela que tout ce qui désire posséder en propre
est péché et une volonté contraire, même s'il s'agit du boire
ou du manger. Si la volonté imagine dans cet état, elle s'en
remplit et en allume le feu propre, et dès lors, un autre feu
brûle dans le premier et devient une volonté contraire et une
erreur.
23. C'est pourquoi nous devons cultiver, en-dehors de
l'opposition, une volonté neuve, qui s'abandonnera de nouveau
dans l'Unité simple; et l'opposition devra être brisée et
tuée.
24. Considérons maintenant le Verbe de Dieu devenu humain. Si
l'homme y place son désir, il sortira de la douleur (Qual), de
son feu propre et sera un nouveau-né dans le Verbe. Et ainsi la
volonté naissante résidera en Dieu; mais la volonté première
restera avarice, matérialité et pluralité.
25. De même, la pluralité du corps doit être brisée, et
celle-ci doit périr et se détacher de la volonté naissante,
alors la volonté naissante connaîtra une nouvelle naissance.
Car dans l'Unité, celle-ci réabsorbe tout en soi-même, non
avec un propre désir, mais avec son propre amour - un amour qui
est uni à Dieu -, afin que Dieu soit entièrement en tout, et
que Sa Volonté soit la volonté de toute chose; car en Dieu
n'existe qu'une seule volonté.
26. Ainsi nous découvrons que le mal doit être subordonné à
la vie du bien, pour autant que la volonté se retire à nouveau
du mal, de soi-même, dans le bien; car le feu de la vie est
constitué de férocité.
27. Mais la vie de la volonté de la vie doit être retournée
contre elle-même, en conflit; car elle doit fuir sa férocité
et ne plus la vouloir. Elle ne doit plus vouloir désirer, et
cependant la volonté de son feu (c'est à dire la vie de son
feu) désire et doit posséder le désir. Voici donc la chose:
renaître dans la volonté.
28. Chaque volonté-esprit qui reste dans le désir du feu de sa
vie (comme dans l'ardeur du bois pour le feu), ou qui y pénètre
et possède le terrestre, reste séparée de Dieu aussi longtemps
qu'elle possède ce qui est étranger, c'est à dire le
terrestre.
29. Donc nous reconnaissons comment la superfluité du boire et
du manger engendre le péché. Car la volonté pure, qui se
sépare du feu de la vie, est noyée dans le désir et
emprisonnée, et ainsi se trouve trop faible dans le combat. Car
la source du feu (ou du désir) la garde captive et la remplit
d'ardent désir, de telle manière que cette même volonté
dirige son imagination dans le désir.
30. De même, la volonté placée dans le désir du boire et du
manger est terrestre et est séparée de Dieu. Mais la volonté
qui s'échappe du feu terrestre, brûle dans le feu intérieur et
est divine.
31. La volonté qui s'échappe du désir terrestre ne s'élève
pas du feu terrestre. Non, elle est la volonté du feu de l'âme,
qui a été capturée et cachée par le désir terrestre. Elle ne
désire pas rester dans le désir terrestre, mais veut retourner
dans son Unité, en Dieu, de laquelle elle trouva originellement
sa source.
32. Mais si celle-ci est gardée prisonnière du désir
terrestre, elle sera enfermée dans la mort et souffrira
l'agonie. Voici comment comprendre le péché.
Le
quatrième point.
Comment le Christ rendra le Royaume à Son Père.
1. Lors de la création du monde et de tout être, le Père se
mit en mouvement selon Sa propriété, c'est-à-dire par le
centre de la Nature, par le monde ténébreux et le monde-feu.
Ceux-ci continuèrent leur mouvement et leur domination jusqu'au
moment où le Père se déplaça selon son cur (et le
monde-lumière), et Dieu devint homme. Ensuite, l'amour régna,
la lumière vainquit la propriété de violente furie du Père et
guida le Père dans le Fils avec amour.
2. Puis le Fils eut domination sur ceux qui s'attachèrent à
Dieu; le Saint-Esprit (qui provient du Père et du Fils) attira
les hommes vers la lumière d'amour, à travers le Fils, vers
Dieu le Père.
3. Mais à la fin des temps, le Saint-Esprit reviendra au Père
et aussi dans la propriété du Fils et les deux propriétés
deviendront actives à l'instant. L'esprit du Père se révélera
dans le feu et la lumière, mais également dans la violente
colère du monde des ténèbres. Alors le royaume retournera au
Père. Car le Saint-Esprit doit gouverner éternellement et être
un révélateur éternel dans le monde-lumière aussi bien que
dans le monde des ténèbres.
4. Car les deux mondes resteront immobiles; et le Saint-Esprit,
qui provient du Père et du Fils, a le droit de régner
éternellement dans les deux mondes, selon la nature et la
propriété de chacun de ces mondes.
5. Lui seul sera le révélateur des merveilles. Et la domination
éternelle qu'Il exercera avec l'Esprit, sera rendue au Père
(qui est tout), par le Fils.
Le
cinquième point.
De
la magie. De ce qu'est la magie.
De ce qu'est le fondement de la magie.
1. La Magie est la Mère de l'éternité, de l'être de tous les
êtres; car elle se crée elle-même et son entendement réside
dans le désir.
2. Elle n'est elle-même qu'une volonté et cette volonté est le
grand mystère de tous les miracles et de tous les secrets; mais
elle se manifeste elle-même par l'imagination de la faim du
désir d'exister.
3. C'est l'état originel de la Nature. Son désir crée une
image (Einbildung). Cette image ou figure est seulement la
volonté du désir. Mais le désir crée dans la volonté un
être semblable à ce que contient la volonté.
4. La magie véritable n'est pas un être, mais l'esprit du
désir de cet être. C'est une matrice sans substance, mais qui
se manifeste dans un être de substance.
5. La Magie est l'esprit, et l'être est son corps; et pourtant
les deux ne font qu'un, comme l'âme et le corps ne font qu'une
seule personne.
6. La Magie est le plus grand secret, car elle est supérieure à
la nature et elle crée la nature selon la forme de sa volonté.
Elle est le mystère du Ternaire; c'est-à-dire qu'elle réside
dans le désir, dans la volonté d'aspirer vers le cur de
Dieu.
7. Elle est la puissance formatrice dans la Sagesse éternelle,
étant un désir dans le Ternaire, dans lequel l'éternelle
merveille du Ternaire désire se manifester en coopération avec
la Nature. C'est le désir qui s'introduit dans la Nature
ténébreuse, et par la Nature dans le feu, et par le feu, par la
mort ou la violence, dans la lumière de la Majesté.
8. Elle n'est pas Majesté, mais le désir en Majesté. Elle est
le désir du pouvoir divin, et non pas le pouvoir lui-même, mais
elle est la faim ou le désir ardent du pouvoir. Elle n'est pas
la Toute-Puissance de Dieu, mais l'élément directeur de la
Puissance et du Pouvoir de Dieu. Le cur de Dieu est le
pouvoir, et le Saint-Esprit est la révélation du pouvoir.
9. Elle n'est néanmoins pas seulement le désir du pouvoir, mais
aussi de l'esprit conducteur; car elle contient Fiat en
elle-même. Ce que l'Esprit-Volonté révèle en elle, elle le
manifeste comme un être par l'aigreur qui est Fiat; tout cela
s'accomplit selon le modèle de la volonté. Comme la volonté
forme un modèle dans la sagesse, c'est ainsi que le désir de la
Magie le reçoit; car elle a l'imagination dans sa propriété
comme un ardent désir.
10. L'imagination est douce et tendre, elle ressemble à l'eau.
Mais le désir est dur et sec, comme la faim; il durcit ce qui
est tendre et on le trouve dans toute chose, car il est le plus
grand être (Wesen) dans la Déité. Il guide ce qui n'a pas de
fondement vers sa fondation et ce qui n'est rien vers
quelquechose.
11. C'est dans la magie que se trouvent toutes les formes d'Etre
de tous les êtres. Elle est une mère dans chacun des trois
mondes et crée chaque chose d'après le modèle et la volonté
de cette chose. Elle n'est pas l'entendement, mais un élément
de création selon l'entendement et elle se prête au bien aussi
bien qu'au mal.
12. C'est tout cela que la volonté modèle dans la sagesse,
pourvu que la volonté de l'entendement y pénètre également,
c'est ce qui reçoit son être de la Magie. Elle sert ceux qui
aiment Dieu dans Son Etre, car elle créé la substance divine
dans l'entendement et la prend de l'imagination, aussi bien que
de la douceur de la lumière.
13. C'est la Magie qui crée la chair divine; et l'entendement
est né de la sagesse, car celui-ci distingue les couleurs, les
pouvoirs et les vertus. L'entendement conduit l'esprit vrai et
juste par la bride; car l'esprit s'envole et l'entendement est
son feu.
14. L'esprit n'est pas rebelle, il ne devrait pas s'opposer à
l'entendement; mais être la volonté de l'entendement. Mais les
sens, dans l'entendement s'envolent et sont rebelles.
15. Car les sens sont l'éclair de l'esprit-feu, ils apportent
avec eux, dans la lumière, les flammes de la Majesté; et dans
les ténèbres ils apportent avec eux l'éclair de la terreur,
semblable à un féroce éclair de feu.
16. Les sens sont d'un esprit si subtil, qu'ils entrent en chaque
être et absorbent chaque être en eux-mêmes. Mais l'entendement
éprouve tout dans son propre feu; il rejette le mal et ne
retient que le bien. Alors la Magie, sa mère, le prend le bien
et lui donne l'être.
17. La Magie est la mère dont provient la Nature, et
l'entendement est la mère provenant de la Nature. La Magie guide
le feu féroce, et l'entendement sort sa propre mère: la Magie,
du le feu féroce jusqu'à son propre feu.
18. Car l'entendement est le feu du pouvoir, et la Magie est le
feu ardent; et pourtant il ne faut pas la comprendre comme un
feu, mais comme le pouvoir ou la mère du feu. Le feu est appelé
principe, et la Magie est appelée désir.
19. Tout est accompli par la Magie, le bon ainsi que le mauvais.
Sa propre uvre est Nigromantia, mais elle est distribuée
à travers toutes les propriétés. Dans ce qui est bien, elle
est bonne, et dans ce qui est mal, elle est mauvaise. Elle est
utile aux enfants du Royaume de Dieu, et aux sorciers du royaume
du diable; car l'entendement peut en faire ce qu'il lui plaît.
Elle ne possède pas l'entendement, et pourtant elle comprend
tout; car elle est la compréhension de toutes choses.
20. Il est impossible d'en mesurer la profondeur, car elle est
depuis l'éternité la base et le fondement de toutes choses.
Elle est un maître de philosophie ainsi qu'une la mère de
philosophie.
21. Mais la philosophie conduit la Magie, sa mère, comme il lui
plaît. Comme le divin pouvoir, c'est-à-dire le Verbe (ou le
cur de Dieu), conduit le Père sévère vers la douceur;
ainsi la philosophie (ou l'entendement) conduit sa mère vers une
qualité douce et divine.
22. La Magie est le livre de tous les savants. Ceux qui veulent
apprendre doivent d'abord apprendre la Magie, que leur art soit
plus élevé ou plus bas. Même le paysan des champs doit aller
à l'école magique, s'il veut cultiver son champs.
23. La Magie est la meilleure théologie, car en elle, la vraie
foi a sa fondation et sa demeure. Et celui qui la bafoue est un
fou; car il ne la connaît pas et il blasphème Dieu et
lui-même, et il est plus un jongleur qu'un théologien
possédant l'entendement.
24. Il est comme quelqu'un qui se bat devant un miroir et ne
connaît pas la cause de la dispute, car il mène un combat
superficiel, le théologien injuste regarde la Magie dans sa
réflexion et ne comprend rien à son pouvoir. Car elle est à la
ressemblance de Dieu, et lui n'est pas divin, oui, il est
diabolique même, selon la propriété de chaque principe. En
somme: La Magie est l'Activité de l'Esprit-Volonté.
Le
sixième point.
Du Mystère.
De ce qu'est le Mystère.
1. Le mystère n'est rien d'autre que la volonté magique qui est
encore emprisonnée dans le désir. Il peut se modeler à
volonté dans le miroir de la sagesse. Et de la manière dont il
se modèle dans la teinture, il sera fixé et formé en Magie, et
enfin amené en un être.
2. Car le Mysterium Magnum n'est rien d'autre que la faculté
qu'a la Déité de se cacher, en compagnie de l'Etre de tous les
êtres, de ce mystère en procèdent d'autres, et chaque mystère
est le miroir et le modèle du suivant. Et voici la grande
merveille de l'éternité, dans laquelle tout est inclus, et qui,
de toute éternité, a été vue dans le miroir de la sagesse. Et
rien ne passe qui n'ait été, de toute éternité, connu dans le
miroir de la Sagesse.
3. Mais vous devez comprendre ceci selon les propriétés du
miroir, selon toutes les formes de la Nature, c'est-à-dire selon
la lumière et l'ombre, selon la compréhension et
l'incompréhension, selon l'amour et le courroux, ou selon le feu
et la lumière, comme il a été démontré ailleurs.
4. Le Magicien a le pouvoir, dans ce Mystère, d'agir selon sa
volonté, et il peut faire ce qui lui plaît.
5. Mais il doit être armé dans cet élément même, dans lequel
il pourrait créer; sinon, il sera rejeté au-dehors comme un
étranger, et livré au pouvoir des esprits de cet élément, qui
pourront le traiter comme bon leur semble. Rien de plus ne peut
être dit à ce sujet, à cause de la tourba.
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