Notes : Le présent rituel est issu du dernier ouvrage d'A.R. Koenigstein " Les Braises sous la Cendre" paru aux éditions Gouttelettes de Rosée.
Par facilité, le caractère néo-carbonariste des trois points renversés est ici présenté sous forme de trois points horizontaux.
§ 1 Recrutement
Il y a sans doute quelque chose de gênant à vouloir penser le carbonarisme à la lumière de lactualité sociale ou dans une optique détestable qui serait celle du recrutement. En effet, rien, par définition, ne peut prédisposer linitié à sa propre initiation, puisque linitiation est le contact avec le non-conditionnné. Il ne peut être donc recruté, puisque cest de lui que vient la force à laquelle il est initié. Mais le carbonarisme dont nous parlons procède par étages. Et sil y a besoin dinitiés, au sens non-conditionné du terme sur lesquels nous ne pouvons rien dire en revanche, il doit exister aussi des enveloppes externes, et des couches successives de sympathisants ou de militants, pas nécessairement initiés au sens traditionnel du terme (1), mais nécessaire sur le plan stratégique et tactique. Bakounine, le leader anarchiste aux trente-cinq années de Maçonnerie croyait simultanément à une révolution prolétarienne, de masse, constituée par les innombrables bataillons de travailleurs formés sur le front de lanarcho-syndicalisme, et en une révolution que nous oserons qualifier de synarchique (2), organisée par un très petit nombre dhommes au niveau européen il en voulait 400 initiés en Loges maçonniques (3), impeccable du point de vue de lardeur et de la morale. Disons que nous souscrivons aux vue du géant russe et que nous parlons recrutement lorsque nous réfléchissons aux relais civils et profanes.
En Europe, lémergence en décembre 1995 dun pôle de contestation sociale opposé à la logique du marché, lapparition et lextension dun mouvement en appelant à la désobéissance civile devant liniquité des lois anti-immigrés, la lutte pour les sans-papier, enfin le récent mouvement de revendication des chômeurs, alors interdits de parole dans lespace citoyen, lémergence dune contestation radicale paysanne internationaliste et anti-mondialiste, toutes ces initiatives citoyennes signifient que la mondialisation ultralibérale ne se fera pas sans une opposition politique. Il existe donc bien une opposition, quil faut bien qualifier de gauche, et cest le premier point. Second point, cest que cette opposition sort enrichie de lexpérience désastreuse des années de " socialisme " : sur toute lEurope la " gauche " sociale démocrate a fait une politique dévastatrice sur le plan social, politique que la droite était incapable de produire elle-même, de telle sorte que cette opposition de gauche ne se retrouve plus dans le parlementarisme socialiste et dans les partis et les syndicats de la gauche institutionnelle. Il y a donc possibilité pour le carbonarisme de trouver dans ce front du refus de la mondialisation marchande des énergies qui nauront pas été détournée de la cible par la récupération des institutionnels de gauche. Ce sont à eux, qui sont dans le Maquis de gauche, quil faut sadresser pour composer lenveloppe externe du carbonarisme. Ils se trouvent à la campagne dans lécologie paysanne contestataire, à la ville dans les coordinations politiques spontanées et autogérées, hors de tout appareil.
§2 Politique
Il nest pas certain quil y ait dailleurs aujourdhui une issue politique au malaise de la culture occidentale. Sans doute même faudra-t-il lépuisement définitif de toutes les manifestations de lOccident pour que lhumanité puisse envisager la possibilité du retour à lessentiel. Nous laissons ici à chacun lestimation des chances de réussite dune subversion politique dont on a bien vu que, même si elle est une peut-être aporie sur le plan stratégique, elle nen demeure pas moins une voie héroïque, cest-à-dire une voie pratique de laction par laquelle le geste juste doit être accompli, indifféremment de son issue. Confucius disait de la conduite de lEtat quelle devait se faire comme on fait frire un petit poisson. Nous pourrions dire que la subversion carbonariste et le militantisme radical quelle exige doivent être faits avec autant dapplication quune cérémonie du thé, lallumage des flambeaux, la conduite dune motocyclette ou la chasse aux filles faciles dans une mauvaise boîte de nuit.
Pour autant, sil faut décrire à gros traits le projet politique de cette (im)posture métaphysique, nous dirons quil cherche la destruction du bourgeoisisme pour ouvrir les accès à lEtre. La destruction du bourgeoisisme a déjà été étudiée dans le détail, elle exige la destruction de loligarchie capitaliste, et, en retour la réappropriation commune des moyens de production. Cela se complète de la réouverture des voies vers la transcendance, à travers la recomposition dinitiations prolétarienne, guerrière et sacerdotale qui ne soient plus hiérarchisées. La question se pose de savoir sil peut exister encore une initiation de producteur opérative dans un monde post-industriel tourné vers le virtuel et le tertiaire ; sil peut exister une voie du guerrier dans une civilisation de la masse ou la quantité fait loi sur laristocratie spirituelle ; sil peut exister un sacerdoce dans une civilisation pour laquelle la resacralisation est comprise comme bien-être infra-psychologique et une fuite des épreuves. Nous ne cachons pas quil y a là aussi du travail à faire, un travail considérable qui exige une collaboration des trois dépôts, ce qui pourra peut-être se faire sur le territoire neutre de la Vente carbonariste. Car le carbonarisme, comme voie noire des en-dehors ne peut pas, ontologiquement autant que déontologiquement, promouvoir des systèmes structurants nouveaux. Mais son refus du cautionnement, et son révolutionnarisme intégral peut en faire ce no mans land en lequel peuvent se réunir des Maîtres des trois Varna, tous lucides sur la fin des temps et sur la valeur de la détermination carbonariste, pour élaborer ensemble des stratégies de réveil des voies daccès à lEtre. Nous pensons que le carbonarisme forcera naturellement au respect les meilleurs dentre les initiés de métier, de combat et de foi, qui verront en lui lallié intransigeant permettant de se hisser hors de lidéal animal. Mais le projet carbonariste na bien sûr ni la prétention, ni la possibilité doffrir ce que les autres doivent offrir. En sus donc de son uvre de subversion, lhospitalité initiatique carbonariste doit être absolue et intransigeante avec elle-même. Il devra toujours y a voir leau, le drap, le sel, le miroir et le feu à offrir aux Voyageurs.
La philosophie des Lumières nous a rendu tributaire dune conception rationnelle du politique. Il est évident, et il ne faut pas revenir là-dessus, que cest par lexercice de la raison que les droits de lhomme se sont constitués et quils ont permis de séchapper dune politique fondée sur la proximité et le mimétisme, pour asseoir lidée dun citoyen qui doit rester mon égal, malgré lantipathie spontanée que je puis ressentir à son égard, sil nest pas " comme moi ". Luniversalisme qui donne à tous les hommes, quelle que soit leur origine, sociale, culturelle ou ethnique, la même valeur de droit, cet universalisme là na pu se constituer quen renonçant progressivement à une philosophie politique de laffect, de lidentitaire. Pour cela, il a fallu renoncer aux sentiments, et mettre en usage la raison qui est la seule faculté rendant possible la généralisation, et concevant lhomme comme dégagé de la partialité du clan, de la race ou de la classe. Lorsque lidée dun citoyen voit le jour, alors légalité enfin peut senraciner dans lhumanité, perçue comme un genre unique, malgré les différences de fait entre les individus et les groupes qui la constituent. Cependant, ce recours à la raison a entraîné les hommes daprès le XVIIIème siècle (dont nous sommes) à croire que cétait la vie politique elle-même qui était agie par des forces rationnelles. Il faut ici le répéter : la vie politique primitive nest pas rationnelle. Les hommes agissent dabord en politique en mettant les valeurs de la passion, de lémotion, du sentiment. Ils sont ainsi guidés par une fausse spontanéité, qui est le pur jeu des forces affectives qui bougent en eux et qui les animent sur léchiquier politique. Le moralisme des Lumières a très vite condamné ce recours à une morale du sentiment dans la politique, et il a bien fait. Mais il a oublié que lon ne peut, par un décret de lesprit, détruire ce qui existe. Aussi la philosophie politique moderne, laïque, désacralisée et rationaliste oublie-t-elle trop souvent la place des sentiments et des passions dans la vie politique : elle ne les voit que comme des adversaires quil faut supprimer. Cest sans doute une erreur, car, en refoulant la force vitale de ces instincts sociaux, en interdisant absolument leur manifestation, elle sinterdit de les comprendre et risque de recevoir de plein fouet leur réveil sous la forme dune barbarie redoutable. Sil faut effectivement rationaliser la vie politique, il ne faut pas pour autant croire que lon en finit ainsi avec la vie profonde et mouvante des imaginations et des passions politiques. Les oublier, cest les rendre sauvages, et sexposer plus dangereusement encore lorsque les tribuns et les démagogues les réveillent. Dautre part, croire que la rationalité pure suffit en politique est méconnaître les faits historiques. Pour quune idée voie le jour, pour quelle se manifeste dans la chair de lhistoire, il faut quelle soit possédée, investie, animée par la passion politique. Cest là ce qui est trop négligé par lhéritage des Lumières. La vie des images et des mythes politiques ne doit pas avoir la suprématie en politique, mais elle ne doit pas être non plus négligée et refoulée. Elle doit devenir le moteur puissant de laction politique, guidé par la vigilance et la lucidité rationnelle. Aussi lidée politique ne peut elle sincarner dans les faits quà la condition quelle soit juste (fondée par la raison) mais aussi quelle soit le point de focale dénergies passionnelles, de rêves collectifs, dimaginaires sociaux qui travaillent sans cesse au fond de lâme humaine. Cest pourquoi, à titre dexemple, lEurope telle quelle est pensée par les eurocrates sera un échec retentissant, parce quelle est bien fondée rationnellement, à partir de données mathématisables issues des spéculations des économistes, mais parce quelle nest pas une Europe fantasmatique, sur laquelle convergeraient les imaginations et les mythes des peuples européens. En revanche, la République de 1792, notamment quand elle se heurte à lalliance des monarchies européennes lannée suivante à Valmy, cette jeune République-là arrive à synthétiser les exigences transcendantes de la raison, mais coalise les énergies et les passions politiques autour du drapeau tricolore. Ainsi, lidée de nation au XVIIIème siècle devient-elle exemplaire à ce titre, parce quelle a su unir contradictoriellement passion et raison, et, par le fait vital, incarner lidéal. Les réformes politiques durables ne peuvent donc subsister quà la condition quelles senracinent profondément dans des mythes qui sauront cristalliser la ferveur populaire et ainsi animer lidéal.
Maintenant, quest-ce quune société initiatique ? Le plus important nest pas quelle soit secrète, mais quelle soit initiatique, cest-à-dire quelle donne à ses nouveaux membres des références mythiques et symboliques quils auront en commun avec le reste des autres initiés. Pour ce faire, la société initiatique dispose de deux caractères propres : elle pratique un rite et transmet un mythe fondateur. Le mythe fondateur est ce par quoi la société justifie de son existence, et explique sa raison dêtre au monde. Mais ce mythe fondateur ne se donne pas par le biais de la raison ou de lanalyse, mais par le biais du rite, cest-à-dire à travers une cérémonie théatralisée où sont conviées des images fortes, des symboles, des archétypes puissants. On croit communément, à propos des sociétés initiatiques, quelles sont engluées dans le mythe, et quelles sont imperméables à la modernité. On croit aussi que linitiation est une manière de fusionner avec lesprit du groupe, et dy perdre en somme son individualité. Or, cest méconnaître un fait de lhistoire récente : que les sociétés initiatiques réelles qui subsistent dans lOccident moderne, celui daprès les Lumières, ces sociétés initiatiques ont elles aussi opéré cette réforme qui les sépare de la révélation, et les ouvre à la rationalité, débattante et individualisante. Si, dans les sociétés archaïques ou traditionnelles, la société initiatique reçoit son mythe directement des dieux, si elle se constitue à partir dune révélation, par la parole dun prophète ou les récits dun Grand Ancêtre, les sociétés initiatiques modernes ont leur mythe fondateur énoncé par des hommes. Ainsi la Franc-maçonnerie dite moderne, de 1723, édite-t-elle ses nouvelles Constitutions, rédigées par des hommes notamment Anderson et derrière Désaguliers où le mythe fondateur est annoncé clairement : la Franc-Maçonnerie sera ce centre dUnion en lequel des hommes différents pourront fraterniser, dans leurs différences. Ce qui veut dire alors que le mythe originel dune société initiatique moderne peut être produit par les hommes et devenir aujourdhui, par le fait, le résultat des efforts de leur raison, comme ce fut le cas pour la Franc-Maçonnerie spéculative. Donc, une telle société initiatique peut se donner un projet politique rationnel, et à ces fins, engager et mettre en uvre des images et des symboles qui font appel à toute cette vie nocturne de la conscience. Ici sont conviés les outils du rite. Alors lénonciation dun projet rationnel et universel à travers le mythe fondateur se double dune cristallisation de limagination active par le rite. Le projet rationnel est donné aux initiés en des termes non rationnels, ce qui facilite limprégnation des membres, puis le thème sétend ainsi des membres de la société initiatique jusquà la société civile par une sorte de capillarité, ou comme une nappe souterraine sétendant sous le niveau de la terre, et irriguant bientôt les racines de tous les arbres de la surface. La société initiatique moderne qui se donne un projet politique rationnel ne doit jamais renoncer à luniversalisme de son mythe fondateur, car il en va de la morale. Mais elle ne doit pas non plus renoncer au rite par lequel elle rend vivant et énergise lidéal rationnel auquel elle croit. Si ce nest pas le cas, la société, dinitiatique, devient seulement une société secrète, substituant à lenveloppe imagée du mythe un pauvre masque de secrets et de codes de conspirateurs. Une telle société secrète na aucune valeur, pas plus en tout cas que les spéculations creuses de théoriciens politiques sans âme. Ce fut le cas de la création de Buchez qui, ourdissant des complots contre les Bourbons au début du dix-neuvième siècle, récupère en 1821 les rituels de charbonnerie italienne, et les vide de leur substance rituelle, en les déchristianisant, et en passant à la trappe leur charge hermétique. Il souhaite ainsi constituer une nouvelle société secrète politique, et la Charbonnerie dont il dénature les rituels devint résistance secrète contre les occupants autrichiens. Mais il perd en même temps que les rituels la matière onirique par laquelle le mythe fondateur se densifie et se corporise dans lesprit des affidés puis dans les sociétés quils fréquentent. En outre, avec ses coreligionnaires, il énonce avec légèreté ce que nous appelions le mythe fondateur, cest-à-dire que les Bons Cousins Charbonniers qui se réunissent sous son égide ne savent pas trop pourquoi ils se réunissent : certains pour la patrie, dautre pour lEmpereur, dautre enfin pour la Sociale. La Charbonnerie française de Buchez est donc bien une voie substituée, car son projet rationnel est mal bâti, et sa charge rituellique désamorcée par une laïcisation mal comprise qui fit perdre à la Charbonnerie une part réelle de son opérativité sociale.
On voit où nous voulons en venir : les initiés peuvent avoir un rôle politique éminent, et réciproquement, il peut y avoir une action politique efficace menée par des cénacles dinitiés, sils énoncent un modèle universaliste, moral donc rationnel ; et sils savent lui apporter la chair des rites. Ils le rendent visibles par les voiles de lallégorie et du mystère. Ils en font un objet attractif, et le secret et le mystère dont il sorne, paradoxalement, ne le cache pas, mais le rend plus désirable et plus fascinant. Et les images par lesquelles il savance le rend plus magnétique encore. Aussi les initiés ne sont-ils pas des éminences grises manipulant à leur insu des élites naïves ou des masses ignares, mais ils sont parmi les hommes de leur temps, les plus aptes à animer, à donner une âme, à la politique. Il ne faut donc pas donner aux initiés le rôle romantique et naïf de comploteurs de lombre. Au contraire ils sont à un moment historique donné, les plus perméables des hommes aux mythes dominants la société civile. Ils sont les plus imprégnés des imaginations politiques, parce quils les vivent, parfois à leur insu (la chose doit être soulignée) dans le théatre du rite. Les initiés ne sont pas les initiateurs politiques. Ils ne sont pas ceux qui inspirent. Ils sont inspirés par la philosophie politique dominante, par la mise en symboles et en images quils font dans leurs cercles. Les sociétés initiatiques ne fécondent pas un corps social amorphe et privé dintelligence. Les sociétés initiatiques sont les premières à pressentir les passions politiques parce quelles ont tout lattirail symbolique et rituelique pour le dire dans la langue de limagination. Les passions politiques quelles pressentent et quelles arrivent à désigner dans le corps social, elles sont les premières à les subir de plein fouet, parce quelle y sont très sensibles. Les lieux dinitiation sont donc des laboratoires sociaux, non pas parce que sy ourdissent les complots révolutionnaires et parce que les gouvernements provisoires sy répartissent les ministères, mais parce que ce sont les premiers où sexpriment la sensibilité, laffect, lambiance du siècle. Canalisant la sensibilité du siècle, limaginaire de la rue, les initiés ne sont donc pas ceux qui fécondent un peuple amorphe. Au contraire, ils sont fécondés par la vitalité dun peuple qui rêve à voix haute dans la rue, sans le savoir. Ils interviennent comme des baromètres de la sensibilité et des passions politiques. Leur devoir est alors daccompagner ces passions politiques quils ont pressenties vers un projet quils savent universaliste. Leur capacité est aussi dalimenter en images et en mythes la rêverie populaire pour que celle-ci ne sépuise pas avant datteindre au but. En somme, les initiés ont donc un double devoir politique. Ils captent les énergies vitales qui sillonnent, irriguent et fécondent le peuple, ils les identifient et les pressentent avant tout le monde parce quils ont lexpérience imaginative et symbolique préalable (rite). Ensuite, ils doivent accompagner ces forces vitales et qui cristallisent les passions populaires dans le sens dun projet politique noble et respectable (mythe).
§ 3 - Stratégie
La finalité du néo-carbonarisme est le retour à lunité de lêtre. Son objectif est le renversement du bourgeoisisme comme économisme, politique et représentation du monde. Mais la fractalité de la domination bourgeoise fait que, aujourdhui, il nest plus possible de croire que la destruction de lEtat bourgeois suffira pour désarmer cette bourgeoisie, parce que la capillarité de la diffusion des valeurs de la domination est telle que le bourgeoisisme, comme représentation du monde, réapparaîtrait, même sans la structure répressive policière dEtat, dans toutes les âmes séparées, sur toutes les lèvres, et dans toutes les classes. Cest pourquoi lactivisme politique carbonariste ne peut se réduire à une simple lutte politique où il faudrait renverser ou semparer du parlement. De telle sorte que linsurgé daujourdhui qui voudrait positionner ses luttes par rapport aux seules structures oppressives politiques ferait une grave erreur. Le coup dEtat, comme objectif politique du carbonarisme nous renverrait aux illusions de la dictature du prolétariat ou dune nouvelle aristocratie dont on a vu quil ne permet pas de rendre à la société les pratiques ordinaires et coutumières qui sacralisent lexistence et lorientent vers lEtre. La destruction de lEtat, prônée encore aujourdhui par darchéo-anarchistes désespérants de bêtise est effectuée, sans bombe ni slogans par les trusts internationaux. Croire donc que le bourgeoisisme sera détruit avec la superstructure doppression est une illusion, car le bourgeoisisme travaille lui-même à dissoudre la structure dEtat républicaine. Mais cette dissolution de lEtat régulateur du marché pourrait mettre en danger le capitalisme puisquil ny aurait plus cette structure oppressive dencadrement des opprimés. Cest la raison pour laquelle la guerre politique du néolibéralisme est mené sur deux fronts simultanément : dune part, détruire lEtat républicain perçu comme un frein au profit privé, dautre part dresser les consciences individuelles pour quelles intègrent la domination marchande et que cela soit leur seconde nature.
Il est donc vain dopérer des manuvres militaires qui aspirent à détruire le capitalisme dans sa réalité matérielle et technique en frappant lEtat bourgeois, sa milice policière ou son encadrement dentreprise, parce que le contrôle du capitalisme est rentré dans les consciences et que celles-ci, privées de la censure, exerceront sur elles-mêmes lauto-contrôle qui leur interdira laccès spontané à la réintégration et à la naissance éternelle. La chose est confirmée par la lutte dAction Directe qui échoua parce que ces militants voulaient, en tuant quelques individus instrumentalisés par le capitalisme international, éveiller les consciences prolétariennes. Or, ce fut vain, et lon assista même à des manifestations spontanées de soutien et dapitoiement des esclaves pour leur maître ! Il faut donc envisager non point des actions militaires terroristes au sens tactique du terme qui voudraient supprimer tel responsable de brigade ou tel banquier ou tel industriel, mais plutôt des actions qui visent à frapper ces consciences asservies. Ce nest pas tant les maîtres quil faut supprimer que les esclaves.
Quoi faire alors, étant entendu que le pouvoir bourgeois nest pas tant un pouvoir politique quune réductions des consciences à leur seule horizontalité ? Il est alors souhaitable dengager la lutte et la subversion sur les masques et les marques symboliques du pouvoir bourgeois. Les manifestations objectives du pouvoir bourgeois (lutte des classes, système juridique de répression, vidéosurveillance et asservissement du travail) ne sont que les lointaines conséquences de lextension maximale de sa représentation mentale. La représentation bourgeoise du monde sest aujourdhui réalisée et incarnée, elle sest rendue réelle et concrète par sa mise en spectacle, de telle sorte que sattaquer aux gouvernants, au monde du travail ou au pouvoir policier, tout cela est condamné à léchec, puisquon sattaque aux conséquences les plus lointaines et non à lorigine du bourgeoisisme.
Le combat doit donc être mené en direction de la représentation bourgeoise du monde et il est donc dessence spirituelle et philosophique. Mais comme cette vision du monde est emportée par la densification permanente et son entropie, elle se révèle et se dévoile par et dans sa mise en spectacle et sa représentation symbolique.
La symbolisation permanente du spectacle et de la marchandise, nouvelle hostie de la communion avec le marché, mère du monde, est bien ce vers quoi il faut donc diriger les coups. Il est donc nécessaire dopérer une attaque frontale en direction des lieux et des centres de symbolisation du bourgeoisisme, et dy porter des offensives à leur tour spectaculaire.
§ 4 - Tactique
Il faudra donc engager un terrorisme qui frappera plus les imaginations que les structures réelles. Laltération du jugement qui pourra en être induit est plus dévastatrice que toutes les bombes placées dans toutes les casernes quon voudra. Il faudra donc engager une guerre psychologique sans relâche, où les enjeux seront symboliques plus que militaires ou financiers. Là encore, les luttes récentes, nationales ou internationales sont au fait de ces nouvelles pratiques daction directe, et ce seront aux carbonari de sen inspirer pour les perpétuer sous des formes plus offensives, car plus subjectivisées. Le carbonarisme senveloppera donc dune aura de mystère, de conspiration, de réputation, sans que jamais les traces quelle laisse ne le révèle. Pour le dire autrement, le carbonarisme ne doit pas travailler à son image, mais à sa silhouette. Il doit laisser derrière elle une ambiance fantasmatique, qui magnétise les imaginations et amplifie les actions quil fera. Car il faut certes des initiés accomplis parmi les Bons Cousins, car il faut bien aussi des militants, aspirants à défendre la cause quils pressentent, mais il faut aussi le soutien et la sympathie dune population, prompte à aider ponctuellement ceux quelle ne connaît pas mais quelle pressent honorables. Si les luttes modernes ne sont point tant des rapports de force que des intoxications dinformations et des confrontations surmédiatiques et spectacularisées, alors la force réelle du néo-carbonarisme ne sera pas le nombre de ses adhérents ou le nombre de cartouches de fusil quil aura su détourner. Ce devra être la réputation qui le précède, le mythe qui lenveloppe, laura qui laccompagne. Objet imaginaire plus que réel, les luttes quil engage contre le pouvoir et les institutions ne sont plus sur le terrain réel des forces concrètes, mais dans lespace rêvé des dimensions symboliques. Ici gagne celui qui porte une image puissance, archétypale, paradigmatique. Mieux encore, le faible écrasé est glorifié en martyr de la cause voir les quatre sergents de La Rochelle , le faible triomphant est soupçonné de puissances occultes redoutables voir Taxil . Quant au fort, triomphe-t-il, quon suppose quil abuse de sa force et quil est sans honneur ; et sil perd, il en devient plus ridicule encore. Les combats se gagnent et se perdent aujourdhui dans les alcôves qui précèdent laction, dans les mises en scène, dans le spectacle et les grandes images mythiques. Il y a là tout un enseignement à chercher du côté des indiens en lutte du Chiapas et de la personnalité du Sous-Commandant Marcos, lhomme (?) à la pipe et au passe-montagne qui paralyse le FMI et les Etats-Unis avec quatre fusils de bois et un serveur internet. Cest pourquoi le cercle extérieur des sympathisants occasionnels du carbonarisme devra être ces animateurs dimages et de rêves que demeure la jeunesse estudiantine, le monde des arts et de linformation libre, et surtout les colporteurs de la rumeur populaire, celle qui enfle les songes jusquà la démesure. Aux Bons Cousins de laisser ça et là, auprès des profanes dont on sait la capacité rêvante, des traces fascinantes, sous forme dopuscule de Rituels fragmentés sans auteur, dinterviouves anonymes dans des clairières sous la lune, de défilés nocturnes de Camissia Rossa devant les caméras, de taggages suggestifs à triponctuations renversée, etc. etc. Cest en disant toujours plus quon en cache toujours plus. Larme essentielle du Charbonnier est bien la suie qui cache son visage mais rend plus visible donc plus énigmatique encore son sourire et léclat de ses yeux.
§ 5 Rituel
Il faut donc impérativement sattacher au Rituel, et le sauvegarder. Il nest pas ce qui décore une société efficace, il en est le fondement et la racine. Le Rite pour une société initiatique à caractère politique a en outre trois fonctions : Dabord il est une sécurité contre les mouchards, une série dépreuves qui fait quil devient difficile pour un infiltré de rester incognito lorsque les épreuves de remémoration des signes, mots et attouchements sont exigés à tous les membres présents de lassemblée. Sans doute dailleurs lantique cérémonie du tuilage navait-elle pas dautre fonction que de repérer et dévacuer les étrangers aux secrets du métier, autrement dit, déviter lespionnage politique ou industriel, comme on dirait aujourdhui.
Ensuite, il fait vivre une expérience commune à tous les participants du Rituel qui leur fait éprouver in concreto le sentiment dappartenir à une même famille, avec ses codes, ses habitudes comportementales, ses travers de langages, ses signes de reconnaissance, sa mythologie commune. A ce titre, le Rituel est peut-être le seul moyen dopérer concrètement lexpérience de la solidarité et de la Fraternité. Ainsi les participants de la cérémonie établissent-ils entre eux des liens forts qui les rendent plus efficaces lorsquils sagit de mener des actions de concert pour leur cause, ou contre ladversaire commun. Cette fonction du rituel, comme la première, est strictement sociologique, pourrait-on dire ; elle permet de fonder une société dhommes et de femmes liés par le serment du secret et qui, en raison même du secret sur le Rituel, est une société qui résiste plus encore aux épreuves et à lusure du temps. En des termes defficacité politique, on comprendra donc pourquoi il faut que les sociétés politiques soient initiatiques. Dailleurs les associations politiques qui durent sont toutes initiatiques en ce sens, sans quelles le sachent elles-mêmes, retrouvant parfois malgré elles, la ritualisation dans les rencontres, les alliances et les pactes.
Dautre part, le Rituel actualise des formes culturelles du patrimoine historique et mythique de la personne qui prend part au Rituel. Cérémonie de théâtre archaïque, elle donne la possibilité aux participants de vivre, en leur âme, en leur conscience et en leur chair des postures, des figures et des schèmes qui sont au fondement même de la conscience occidentale. Or, la Charbonnerie réveille les Figures mythiques que lon pourrait appeler celles du peuple du Prophète de la Forêt. Les images du maquisard moderne, de Merlin limmémorial, de Mandrin et du boisilleur médiéval, à la marge de la loi des hommes, dans un état de nature quenvierait Rousseau, toutes ces Figures entremêlées actualisent un type psychique particulier. Par le Rituel qui les révèle régulièrement à une conscience occidentale qui les avait oubliées, au nom de lurbanisme et de la centralisation bureaucratique , de telles Figures laissent leur empreinte dans la composition psychologique de celui qui les met en scène dans la cérémonie. Et plus le Rituel est vécu de manière intense, religieuse au sens primitif du mot, plus lempreinte est forte. Alors, revenu au monde profane, le Charbonnier est apte à réveiller en lui les vertus de la Figure quil était dans le monde sacré. Ainsi, le lieu de la cérémonie initiatique devient aussi une sorte de matrice en laquelle croissent des qualités psychologiques que le Charbonnier peut réinvestir hors de la Vente, dans sa vie profane. A ce titre, linitiation, en plus des qualités sociologiques quon lui a reconnu ci-dessus, a aussi des vertu psychologiques pour mener à bien une tache profane.
Enfin, si lon en croit la lecture vraiment initiatique de linitiation, ce nest pas tant sur le plan socio-psychologique quagit linitiation. Car sa fonction première est dabord douvrir vers lautre monde, le monde sacré où dorment les dieux réveillés par le Rituel. Si lon en croit donc la lecture archaïque de linitiatique, le Rituel de Charbonnerie naurait pas dautre fonction que de rétablir un contact entre les hommes et les esprits ancestraux du clan et de la nature, et de promouvoir alors un nouvel humanisme, polythéiste et animiste. Le projet carbonariste serait certes politique, mais alors le Rituel ne serait plus le moyen daccomplir le projet politique, il en serait la fin, en réenchantant le monde, et en faisant tomber alors la façade déshumanisée du monde postindustriel.
Un Rituel a été " rédigé ", pour servir les premières Ventes de néo-carbonarisme. Contrairement à la majorité des Rituels rédigés traditionnellement, celui-ci nest pas publié sous la forme dun dialogue que les initiés doivent apprendre par cur ou annoner sur des livrets pendant la cérémonie. Au contraire, la structure de ce Rituel que lon pourrait qualifier de Rite Primitif Néo-carbonariste, est très lâche et très floue. Ainsi chaque Vente peut-elle le vivre vraiment, cest-à-dire lexpérimenter naturellement, spontanément. Il ny a pas ici une rituélie figée, pétrifiée. Au contraire, celle-ci demeure souple, ouvre le champ libre à limprovisation, à limagination, afin que lambiance " forestière ", complice, conspirationniste soit vécue intensément, et que la part belle soit laissée à limprévu.
Il est fort vraisemblable que dautres rituels de néo-carbonarisme verront le jour à lissue de la publication de celui-ci. Cest même très souhaitable. Ainsi se constitueront des ambiances, des sensibilités, des nuances très diverses dans le néo-carbonarisme. La chose est même inévitable, mais il ne faut pas entendre les futures productions de rituels comme des trahisons dhérétiques. Mieux encore, le Rite Primitif Néo-carbonariste dont on donne aujourdhui la publication est destiné à être modifié, modelé selon les aspirations et les nécessités de ceux qui font vivre le Rituel. De toute façon, il ny a pas dautorité inquisitoriale en néo-carbonarisme qui déciderait (au nom de quoi ?) de la régularité dun Rituel. En effet, le propre du Rite sacré, cest que, contre la liturgie religieuse, il est pénétré de vie et résiste encore aux fossilisations des gardiens de la loi. Un véritable Rite qui sacralise est dabord une Fête par laquelle le Ciel descend (monte ?) féconder la Terre. Cest la raison pour laquelle le Rite proposé laisse la place libre pour les déplacements improvisés, ou les interventions orales au milieu de la cérémonie, et le vin, la joie ou la gravité y doivent avoir leur place. Le Rite Primitif doit être entendu comme une ossature appauvrie, une charpente minimaliste qui peut suffir, mais qui accepte néanmoins dêtre enrichie déléments nouveaux.
Pour autant, en aucune manière un nouveau Rituel de néo-carbonarisme ne peut amputer dun de ses éléments le Rite Primitif proposé. En effet, amoindri jusquà devenir une peau de chagrin, le rite néo-carbonariste entraînerait progressivement les carbonari vers la pente de la Voie Substituée, cest-à-dire dune action politique dénuée de toute orientation spirituelle. Or le vrai défi de la vie politique moderne est déviter la barbarie et dentretenir lhumanisme. Mais il ne peut y avoir dhumanisme sans spiritualité. Et le Rite spiritualise lhomme.
On peut considérer quil y a cinq stratifications à luvre dans la Charbonnerie : la charbonnerie primitive, païenne et paria ; la charbonnerie catholicisée, à partir du XIIème siècle ; la charbonnerie maçonnisée du XVIIIème siècle ; le carbonarisme politique au XIXème siècle ; la charbonnerie spéculative de métier depuis 1996. A chacune de ces étapes de lhistoire de la Charbonnerie, des hommes ont cherché à y laisser leurs empreintes, afin den faire lobjet au service de leur cause, afin aussi de ladapter à son temps afin quelle y survive et sy déploie. Chaque étape du processus historique a laissé son empreinte dans les rituels. Pour notre part, et avec ce que nous espérons être de lhumilité et de la clairvoyance, nous avons compulsé, dans la mesure du possible, ces divers rituels, qui parfois nont rien de commun les uns avec les autres, afin den tirer une nouvelle épreuve, pour le néo-carbonarisme. Notre projet nétait pas, en produisant de " nouveaux " rituels, de faire comme dautres, des outils à notre service. Nous ne nous considérons pas non plus comme les détenteurs dun Régime qui soit le seul authentique ou le plus prêt de la vérité de la Charbonnerie ; mais, en bâtissant nos nouveaux rituels nous avons cherché à faire tenir ensemble la double exigence dune uvre qui soit à la fois en congruence avec son temps " moderne ", mais aussi fidèle aux fondamentaux du carbonarisme " primitif ". Avons-nous réussi ? Nous ne le savons pas.
Cest la raison pour laquelle, par exemple, nous navons pas retenu la surcharge catholique omniprésente jusque dans les années 1820. Il fallait, à cet époque, professer uniquement la foi en Jésus-Christ pour pouvoir embrasser la carrière de Bon Cousin Charbonnier. Il nous a semblé que le creuset catholique ne parle plus aujourdhui à la société française ; et même quil est connoté symboliquement de valeurs réactionnaires et autoritaires, donc archaïques dans la société moderne. Cest pourquoi il nous a fallu purger la Charbonnerie de ses scories papistes, pour opérer un transfert vers son paganisme initial, qui, de plus, se retrouve comme la sensibilité dominante de lépoque moderne éprise dun " primitivisme " très rousseauiste. De la même manière, nous navons pas retenu les éléments du rituels, et les principes administratifs qui faisaient de la Vente le reflet parfait de la Loge maçonnique. Les Officiers y étaient représentés de la même manière, avec les mêmes compétences et les mêmes fonctions. Il a fallu, là encore, " démaçonniser " la Charbonnerie. Ce nest pas que la Maçonnerie soit aujourdhui caduque ou obsolète, mais il convient dopérer une claire dissociation entre une société qui travaille à la Fraternisation, dans le respect des autorités constituées, et une société qui travaille à lEmancipation, sans le souci de la reconnaissance institutionnelle. La séparation des objectifs doit aussi saffirmer dans le pilotage interne.
Enfin, contre le carbonarisme activiste, nous navons pas axé la revendication politique sur linsurrection armée et le recours à une violence dite légitime pratiquée par des minorités agissantes. Cette fascination pour la violence écure après que ce siècle soit passé par les camps, qui tuèrent les hommes au nom de leur bonheur. En outre, le poignard planté dans le dos dun officier de police est moins meurtrier que lindifférence que lon a pour son uniforme. Pour le redire encore, contre le carbonarisme qui voulait en finir avec les maîtres, le néo-carbonarisme veut en finir avec les esclaves, notamment en rendant les hommes indifférents à la fascination par le pouvoir. Cest le troisième renversement de perspective dans la réécriture rituélique à laquelle nous nous sommes livrés.
Déchristianisation au bénéfice dun réenchantement animiste ; retrait loin de laura respectable de la Maçonnerie au profit dune invisibilité institutionnelle ; refus du terrorisme romantique pour lui préférer la sérénité de lhomme sans maître. Pan sassoit sur le Golgotha, Anderson prend le maquis, tandis que Buonarotti apprend à rire... Les initiés jugeront.
IV Rôtir dieu
§ 1 Constitutions
1. Le carbonarisme moderne se donne pour but de nen avoir aucun. Il nest pas un moyen ou un outil au service dune cause ; il ne peut ni ne doit être instrumentalisé par les hommes qui croiraient pouvoir sen servir. Car il eut trop à souffrir des hommes qui par le passé récupérèrent son auguste patronage mais le soumirent au lit de Procluste de leurs intérêts mesquins et temporels. Le carbonarisme traditionnel enfonce ses racines dans une contre-culture millénaire, et il a survécu et revient aujourdhui grâce aux hommes qui le rejoignent, mais qui mourront avant lui, de telle sorte que cest chimère et sottise que de croire pouvoir utiliser le carbonarisme à dautres fins quelle-même. Nul ne peut être Bon Cousin Carbonaro en vue de telle ou telle chose, car le carbonarisme, comme Art de la nature, ne renvoie à dautres fins que lui-même, et il restera à jamais sa propre fin.
2. Toutefois, sil est une chose sur laquelle tous les Carbonari sentendent de par le monde, cest bien la suivante : le carbonarisme traditionnel, et son rameau contemporain qui est le néo-carbonarisme, travaillent, par essence, à labolition de la domination et de la soumission entre les hommes. Ainsi donc, lorsque les Carbonari se rassemblent en Vente de Charbonnerie, le lien qui les unit les uns aux autres est sans méfiance, sans peur et sans violence.
3. Cest la raison pour laquelle nul ne peut être reçu Carbonaro sil est esclave ou maître. Si dans les temps anciens la Maîtrise était un magistère, et la compétence reconnue par tous au Travail, aujourdhui, la Maîtrise sest perdue dans la domination. Elle nest plus autorité mais pouvoir ; elle nest plus puissance mais coercition. De cette maîtrise-là, le Carbonaro ne veut point. Quant à lesclavage parmi les hommes, les deux cent dernières années ont fait triompher sur toute la surface du globe les idées émancipatrices de la démocratie, contre les tyrannies religieuses et politiques. Pour autant, ce nest pas parce que les maîtres abusifs sont pointés et reconnus, que les esclaves sont libres ; et la gangrène humaine consiste en cela : que les hommes aiment inconsidérément se réduire eux-mêmes en esclavage pour navoir point à supporter le poids de leur liberté. Aussi le Carbonaro se refuse-t-il à être esclave, car même sil ny avait plus de maître, il subsisterait des esclaves qui sempresseraient délever parmi la foule des opprimés quelque nouvelle brute qui les jugulerait et les tyranniserait.
4. Si la comédie du monde offre le désolant spectacle dune lutte entre Opprimés et Oppresseurs, les opprimés daujourdhui rêvant dêtre à leur tour les oppresseurs de demain, la Vente de Charbonnerie veut être ce sanctuaire où naît et croît le nouveau type dhomme pourchassé également par la haine des uns et des autres : lArtiste.
5. Mais comme le siècle passé a donné lenseignement aux Carbonari du carbonarisme moderne que la révolution politique ne suffit pas pour que lhomme échappe à la roue de feu de la domination et de la soumission, ils ont conçu que la cause en était la nature des lois. Car on ne rend pas les hommes meilleurs en leur imposant un règlement ou une législation pour poursuivra le crime. Tout au plus leur fait-on redouter la sanction, et ainsi eux-aussi vivent-ils dans la peur et le mensonge. Cest pourquoi, contre la parole des juristes qui veulent cerner par un code la liberté, les Carbonari ont-ils préféré promouvoir la parole poétique, celle des rites ancestraux et archaïques de leur bonne Charbonnerie, qui témoigne en elle-même de légalité des hommes réconciliés avec eux-mêmes, entre eux-mêmes et avec le monde. Mais cette parole rituelle et poétique, parce quelle est ouverte à linterprétation, exige des initiés quils produisent eux-mêmes les principes qui ne sont plus énoncés de manière univoque par une autorité politique. Aussi le néo-carbonarisme est-il révolutionnaire en ce quil fait ici et aujourdhui des Artistes, et non pas des législateurs pour la société de demain qui imposeront à dautres leur conception de la liberté.
6. Dans les temps anciens, la Charbonnerie était une initiation de métier destinée à des hommes loin de tout commerce civilisé, et qui furent contraint de sacraliser la violence et la destruction qui était le cur de leur vie, afin quils la puissent endurer en lui donnant sens. Chemineaux naissants sans le baptême, agonisants sans un prêtre dans le drap unique où ils furent accouchés, vivants dans des campements itinérants de baraques au fond des forêts, nayant ni commune ni église, mêlés aux sorciers, aux brigands, aux parjures, aux excommuniés et aux maquisards, les Charbonniers abritèrent en leurs Ventes tous ceux que la cité ne pouvait souffrir. Leur Travail même portait la marque de la damnation, puisquil vivaient de la Forêt, asile protecteur de leur différence, quils sacrifiaient et brûlaient. Ainsi devaient être les songes des Bons Cousins Charbonniers avant que Rome ne vienne les évangéliser, emplis dimages troubles de transgression, de sacrifice, de violence et de mort. Alors, puisque de tels spectres hantaient leurs songes, puisquil fallait vivre avec cette malédiction, plutôt que de la condamner, le peuple du Prophète de la Forêt singénia à la convertir en sacré. Ainsi naquirent les rituels primitifs de la Charbonnerie, comme une magie sombre par laquelle les gueules noires de la Forêt, les rois de la Hache et les maîtres des bas-Fourneaux retrouvaient entre eux une dignité que la cité leur refusait.
7. Mais cette société qui les refusait, Les Bons Cousins nen voulurent point non plus. Rejetés par ce monde où les honneurs étaient rendus à la richesse et à la puissance, où le pauvre était condamné au mépris, ils eurent la force de fonder un ordre social où les valeurs sinversèrent. Ainsi donc formèrent-ils dans les forêts les plus reculées des sociétés dentraide, fondées non sur la richesse, parce quil navait rien, mais sur la fraternité, car ils en avaient besoin ou ils mourraient chacun pour soi dans la misère. Ainsi vécurent ces flibustiers des mers vertes, ces anges noirs de lutopie, à cent lieues de lautoritarisme centralisé, jacobin et pacificateur naissant. Babylone leur refusait lhumanité et magnifiait légoïsme des plus puissants ? Quà cela ne tienne ! Eux, en leurs forêts, allaient fonder des communautés où légalité stricte des droits et la communauté des biens était réelle. Ainsi étaient les Bons Cousins Charbonniers, qui, en renversant les valeurs dun monde qui les refoulait, allaient fonder les premières communautés de partageux, où le pacte entre Bons Cousins se scellait souvent dans le sang, lorsque citadins, païens, prêtres ou soldatesques sentendaient à répandre la civilisation à coups de sabres et dévangiles. Partageux, ils létaient, car quel fol parmi eux aurait pu proclamer que la forêt lui appartenait à lui plus quà un autre ? Aussi, la terre, leur mère, qui portait le ciel, leur père nappartenait à personne, car tous lui appartenaient.
8. Cest pourquoi le carbonarisme ne se reconnaît pas plus aujourdhui quhier dans les lois de la société actuelle, fondée sur la propriété des biens, et lexploitation du travail dautrui, et naccepte que celles de la République du Maquis. Les Carbonari ne doivent donc pas obéissance au Prince de leur temps, car ils ne se sont jamais reconnus dautre prince queux-mêmes. Charbonnier reste, à jamais, maître chez soi. Si donc un Carbonaro est déchiré entre lobéissance à la loi des guêpiers et lacceptation des principes du carbonarisme, il devra faire fi des impératifs du prince, et choisir la fidélité à la Vente. Cest pourquoi nul nest interdit de Vente sil est rebelle à lautorité constituée hors la Forêt. Mieux, la Vente peut être, si telle est la volonté des Bons Cousins, lasile sûr pour celui qui vit hors des normes et subit la persécution du pouvoir constitué.
9. Aussi les Carbonari nont-ils pas grande estime pour lidée dune patrie quil faudrait préférer à une autre, et où les hommes auraient une valeur supérieure aux hommes dune autre patrie. Lhomme est un, sa souffrance est commune, par delà les frontières : elle est celle de la même misère économique, affective, culturelle et spirituelle. Cette misère-là ne connaît pas de frontière, parce que ceux qui la causent nont cure des législateurs nationaux et ont constitué depuis longtemps une association internationale de malfrats de la finance et de larrogance, de lexploitation et de la laideur. Cest la raison pour laquelle, sil sagit de promouvoir lidée dune République, en sus de lidée dune République du Maquis, les Carbonari nadmettraient que lidée dune République universelle où la valeur dun homme est elle aussi universelle, quelle que soit son origine nationale ou ethnique. Aussi le néo-carbonarisme est-il indifférent, dans le meilleur des cas, au prince de la patrie où la Vente est ouverte. Le néo-carbonarisme est aujourdhui hostile à la défense partisane dune nation ou dune patrie, pour y préférer la mise en avant dune solidarité internationale, la République universelle, autant que locale, la Vente de Charbonnerie.
10. La Vente particulière et la République universelle ont des intérêts convergents. Lorsque le prince se croit obéi par un Carbonaro, cest que les intérêts du prince croisent incidemment ceux de la Vente particulière du Bon Cousin, et ceux de la République universelle à laquelle ce dernier travaille.
11. Comme société de métier, au même titre que dautres, la Charbonnerie met au cur de ses préoccupations le Travail. Mais les préoccupations de la Charbonnerie étant initiatiques et traditionnelles, il faut entendre lidée de Travail au sens duvre. Cest-à-dire que la Charbonnerie ne conçoit la nécessité de travailler que comme un moyen de transformer la nature et le monde, et de se transformer soi-même pour que saccomplisse enfin lArt. A ce titre, pour le Bon Cousin, il nest de Travail que sil saccomplit dans lArt révélant la Beauté.
12. Or le libéralisme détruit lidée dun Travail qui soit célébration de la Vie. Il fait du travail une obligation, déshumanisante et humiliante. Sous la tyrannie du libéralisme, lhomme na le droit de vivre quà la condition quil soit producteur et consommateur, et ce quil produit est laid, inutile, insignifiant et mortifère. Et si daventure, il refuse lembrigadement sous les bannières du travail obligatoire, il se voit condamné à la mort lente par le chômage, de telle sorte que lhomme moderne est contraint de travailler pour avoir de quoi vivre. Alors, toutes ces heures passées au bureau, à latelier, à lusine sont des heures de sa vie quil donne et qui sécoulent vers les banques et les bourses, comme son sang le ferait vers un vampire. Et pendant quil travaille, il ne vit point.
13. Les néo-Carbonari nacceptent pas la condamnation au travail à vie. Ils préfèrent vivre. Ils veulent que le travail abêtissant engendré par le capitalisme disparaisse, afin que chacun puisse se consacrer à la Vie. Ils veulent donc lextension du chômage, de la liberté, du temps libre pour lindolence, lamour et la sagesse. Mais cela ne se pourra faire quà deux conditions : que soit réhabilitée lidée que la vie ne sarrête pas à lactivité professionnelle, et que largent confisqué par ceux qui condamnent les autres à travailler soit repris à ces voleurs, et quil soit restitué à la communauté des hommes.
14. Cest pourquoi tout Carbonaro est un ardent défenseur de la cause de lArt ; il travaille ardemment à la libération du travail, et non pas à la libération par le travail. Il met en avant, par sa vie et son exemple, les valeurs de lArt, qui sont la Joie et lengendrement du Monde, et condamne les valeurs du travail en société bourgeoise qui sont lesprit de sacrifice et la mort du fantastique. Aussi nest-il de Bon Cousin que sil est créateur, et non plus producteur. Cest pourquoi aussi tout Carbonaro est un adversaire résolu de la confiscation de la richesse par quelques privilégiés. Il agit ainsi comme ses Ancêtres qui vivaient dans une Forêt dont aucun nétait propriétaire personnellement mais que chacun entretenait avec respect.
15. Ce serait erreur que de croire le Carbonarisme religieux, au sens courant du mot, car il est à cent lieues de lidée dun dieu créateur, au sens où le poison sest répandu autour du bassin méditerranéen. Le Carbonarisme privilégie le lien avec la nature, perpétuellement engendrée et engendrante, et cela suffit. Aux litanies du " ainsi soit-il ", elle préfère le constat de l'homme réconcilié avec le monde qui est le " ainsi cela est ". Aux implorations adressées au dieu unique, origine de toutes les certitudes et de toutes les intolérances, elle préfère le polythéisme sans prière de sa mère, la Terre, qui supporte son père, le Ciel.
16. Un Bon Cousin se soucie comme d'une guigne de la religion, comme la question de dieu lui paraît d'abord venir d'un désordre de l'âme. Aussi entendra-t-on peu en Vente de propos sur dieu, car si, dans les temps anciens, Théobald et ses moines ont su coloniser les Ventes et instiller le poison vénéneux des larmes du crucifié là où frayaient les fées, la Charbonnerie primitive est opposée par nature au monothéisme, et notamment au monothéisme chrétien. La christianisation des rituels, organisée par Rome pour conquérir ces dernières âmes rebelles des forêts d'Europe a été la cause d'une terrible dégénérescence de la véritable Charbonnerie initiatique et traditionnelle. Il a fallu que passe le XIXe siècle pour que les Carbonari italiens, alors tous pieux, embrassent avec leur Grand Maître Garibaldi la cause de l'anticléricalisme, pour quils échappent enfin aux rêts des jésuites. Mais cette libération est un acquis de lhistoire de la Charbonnerie, et il nest pas possible aujourdhui dimaginer un Carbonari être papiste.
§ 2 Règlement
17. La V est dite en formation ou en croissance lorsquelle est composée de 3 à 15 BB CC Ch.
18. Lorsque la V en formation est composée de 3 B C Ch, ce sont le R Ch, le Voy et le Veil, ces deux derniers remplissant en outre, les offices de 1er G de la V et Sec pour le Voy ; et 2d G de la V, C P, et Trés pour le Veil.
19. Lorsque la V en formation est composée de 5 BB CC Ch, les deux derniers arrivants cumulent les fonctions de 1er G de la V et Sec pour le premier, et 2d G de la V et Trés et C P pour le second.
20. Lorsque la V est composée de 7 BB CC Ch, les postes sont équitablement répartis à raison de 1 poste par B C Ch inscrit au Tableau de V, sauf pour le 2d G de la V qui en plus exerce la fonction de C P.
21. Lorsque la V est composée de 9 BB CC Ch, chacun remplit un office.
22. La V est dite particulière lorsquelle est parvenue à 15 BB CC Ch.
23. La V est dite centrale lorsquelle est parvenue à 15 BB CC Ch et lorsquelle envoie des émissaires pour constituer une nouvelle V. En ce cas, les émissaires sont le Veil et le Voy qui sont mandatés par la V pour faire essaimer celle-ci. Ceux-ci sattacheront à repérer un nouveau guêpier et le constitueront R Ch de la nouvelle V quils essaiment.
24. La V est dite Haute-V lorsque elle est constituée des Voy de toutes les V existantes sur le territoire national. La Haute-V na aucun pouvoir décisionnel. Elle nagit que comme lieu confédéral déchange dinformations, laissant toute lattitude à toute V dagir en totale autonomie. La Haute-V ne connaît aucune limite au nombre de B C Ch inscrits sur ses registres, et elle peut dépasser 22 BB CC Ch, mais cependant, elle doit élire chaque année 9 BB CC Ch parmi ses membres qui constitueront une V de taille modeste et qui sera la représentation de la Ch nationale. Cette V des 9 est dite V Suprême.
25. La V est dite V Suprême lorsquelle est constituée de 9 BB CC Ch choisis parmi les BB CCQ de la Haute-Vente nationale. Ils interviennent comme les délégués et les mandatés conditionnels de la Haute-Vente lorsquil y a des liens et des négociations à établir avec les V des autres nations européennes. Ils nont aucun pouvoir décisionnel
26. Le G::: F::: est la V composée des RR Ch des VV Suprêmes de chacune des nations dEurope. Le G::: F::: na aucun pouvoir décisionnel mais agit comme la courroie de transmission dinformations internationales entre les VV. cest lui qui peut coordonner les volontés lorsquil faut entreprendre sur un terrain dopération élargi aux Etats européens.
27. Il y a encore une structure confédérale, celle des 12, sur laquelle il ne faut rien encore dire ici.
28. Les charges à se répartir au sein de la V sont les suivantes : un R Ch, un Veil un Voy, un 1er G de la V, un 2d G de la V, un Sec, un Trés, un CP, un Inc.
R Ch
29. Lorsquune V nouvelle apparaît, elle nest initialement constituée que dun Veil et dun Voy qui venaient tous deux dune même V antérieure, et qui sentretiennent avec un guêpier de léventualité dune initiation Ch. Si le guêpier pressenti répond favorablement à ces sollicitations, alors il est désigné par le Veil et par le Voy comme R Ch de la nouvelle V, est initié App, puis M en les formes accoutumées, et prend immédiatement ses offices de R Ch de la nouvelle V.
30. Le R Ch, en collaboration étroite avec le Veil et le Voy sapplique à recruter parmi les guêpiers de son entourage de futurs B C quil a la charge dinitier.
31. Le R Ch dune V en croissance est choisi par le Veil et le Voy au moment de la naissance de ladite V. Mais lorsque la V est parvenue à sa pleine croissance, cest-à-dire lorsquelle est composée de 15 BB CC, alors, le R Ch remet son poste en jeu au terme de lannée écoulée.
32. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par le R Ch lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
33. Le R Ch a pour fonction de veiller au bon déroulement des débats, en distribuant la parole, en ramenant au sujet et en synthétisant les positions défendues. Il na théoriquement aucun rôle décisionnel, mais, dans le cas où il faut prendre une décision, et que, par le plus grand des malheurs, personne ne sen sent capable, cest au R Ch de désigner doffice le partage des tâches et des responsabilités.
34. Tout au long de lexercice de sa fonction, le R Ch doit travailler à se rendre inutile, afin que sexerce une véritable souveraineté des personnes, prenant chacune sa place et ses responsabilités sans attendre quon lui indique ce quelle doit faire. Le R Ch travaille donc à sa propre disparition.
Veil
35. Le Veil veille à lapplication des règlements de la V, et sattache à dépister parmi les présents en V ceux qui y viendraient pour répandre les germes de la hiérarchie ou de lautorité. Sa fonction le destine à repérer et désigner les dérives politiciennes, qui feraient de la V un lieu de recrutement pour un parti ou une ligue quelconque, au service dune structure extérieure.
36. Sa fonction nest éligible quau moment où il quitte sa V pour aller en fonder une autre.
37. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par le Veil lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
Voy
38. Le Voy est parmi les BB CC Ch celui qui voyage le plus, dune V à lautre, senquérant des nouvelles et répandant les informations. Il est la courroie de transmission dinformation entre la V particulière et la V dont elle est le rejeton, entre la V particulière et la V dont elle est à lorigine. Cest enfin lui qui introduit les visiteurs, cest lui qui répond deux et qui les présente à sa V.
39. Sa fonction nest éligible quau moment où il quitte sa V pour aller en fonder une autre.
40. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par le Voy lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
1er G et 2d G de la V
41. Les G de la V se tiennent intérieurement à lentrée de la V, et avertissent de la venue détrangers. Ils donnent aussi les réponses au R Ch à louverture et à la fermeture des Travaux.
42. Leur fonction est soumise à lélection annuellement.
43. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par lun des G de la V lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
Sec
45. Le B C Sec détient les sceaux, archives et timbres de la V. Il doit les utiliser avec parcimonie, sachant quaucune diffusion interne par voie écrite ne doit avoir lieu. Les travaux décriture du B C Sec sont donc à diffusion externe, sous forme de déclarations à ladresse des guêpiers et des profanes.
46. Il est chargé de convoquer aux Travaux de V les B C concernés, et transmet toute invitation à des Travaux supplémentaires que le R Ch jugera bon dorganiser.
47. Il est la mémoire vivante de la V, sachant ce qui sest déroulé lors des Travaux précédents, mais ne gardant nulle part trace desdits Travaux, si ce nest dans sa mémoire.
48. Sa fonction est soumise à lélection annuellement.
49. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par le Sec lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
Trés
50. Le Trés est dépositaire des fonds de la V. A lissue de chaque Travail, il fait passer le Chapeau et collecte ainsi une somme que chacun lui doit verser. Cette somme versée mensuellement doit être égale à 1/2% des revenus gagnés lors de ce mois.
51. Il doit garder traces écrites des opérations de crédit ou de débit de la V , mais ces témoignages scripturaires devront être allusifs et discrets afin quils ne puissent être désignés comme tels par un examinateur profane.
52. Toute dépense quil fait avec largent de la V doit être faite avec lautorisation unanime de la V.
53. Tout bien acquis par la V appartient à la V comme entité collective, cest-à-dire comme personne morale, et il est décidé de son devenir de manière collective.
54. Tous les six mois, le Trés doit faire un point de Trésorerie en V.
56. Sa fonction est soumise à lélection annuellement.
57. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par le Trés lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
C P
58. Le C P se tient hors de la V, ou dans le cercle de la V, indistinctement, car il est le seul à ne pas avoir de localisation exacte et précise. Il surveille les alentours de la Baraque, est toujours habillé, et peut, pour sa fonction, requérir laide dautres BB CC quil ira chercher dans la V. Sa fonction est donc de surveillance.
59. Il est le seul à pouvoir interrompre quand il le souhaite les travaux pour déclencher lalarme ou informer les BB CC dun événement digne dêtre signalé. Il exerce ce droit notamment dans les initiations
60. Sa fonction est soumise à lélection annuellement.
61. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par lun des G de la V lors de son exercice, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
Inc
62. LInc a une fonction inconnue. On ne sait pas à quoi il peut bien servir. La fonction de lInc restera lune des énigmes les plus indéchiffrables de la Ch Moderne.
63. Sa fonction est soumise à lélection annuellement.
64. Toutefois, si quelquun de la V exprime son mécontentement à légard de la politique entreprise par lInc, ce qui a priori est fort rare, attendu que lInc ne fait rien, alors son mandat peut être révoqué, modifié, sous la condition une fois encore que laccord nouveau soit établi de manière unanime et collégiale.
§ 3 Organisation et convocations
65. Dans le cas dun poste laissé vacant en cours dannée, par démission, disparition, emprisonnement, ou décès, il est procédé au choix dun remplaçant pour le restant de lannée selon les dispositions indiquées ci-dessus.
66. Toute décision en V est prise à lunanimité, jamais à la majorité, absolue ou relative. La règle dor étant la collégialité, limportant nest donc pas tant de voter pour avaliser une décision que de réfléchir longuement aux conditions dexercice du pouvoir. Cest pourquoi lessence même de la Ch nest pas tant le partage du pouvoir que le débat du pouvoir dans lexercice du palabre. La V est le lieu de la démocratie directe réelle. Cest là sa force si les BB CC qui la constituent sont forts eux-mêmes ; mais cest là aussi sa faiblesse si les BB CC dont elle est faite sont faibles eux-mêmes, nayant ni lexpérience du débat contradictoire, ni celle de la démocratie et de la reponsabilisation.
67. Les Trav ont communément lieu une fois par mois, mais la V est libre dorganiser différemment ses actes, pour des raisons de confort.
68. Chaque Trav doit être précédé dune convocation faite par le Sec aux BB CC concernés.
69. Si un B C a manqué à lAv de la V ou de B C, il peut être radié de son état de B C. La décision doit être entérinée par la V, si possible avec la présence du B C incriminé, lequel a dû être convoqué en sachant lobjet de la convocation.
70. Un B C radié ne peut plus fréquenter la V où il a reçu le Feu, pas plus quil ne peut aller en visite dans dautres V. Sil se risque à cela, il est puni de mort. La même sanction est encourue pour tout ancien B C radié qui donne ses anciens BB CC.
71. Toutefois, parce que la peine de mort est parfois lobjet dincessants débats en V qui laissent au fautif le temps de senfuir et de dénoncer la V aux autorités, il a été convenu que cette peine pouvait se transformer en amende ou en privation de lentrée de la V pendant quelques séances.
72. Un B C peut demander sa démission. Il nest pas besoin pour lui de justifier de sa volonté, et sur accord de la V elle lui sera accordée, à condition quil se soit mis à jour de ses cotisations mensuelles au jour de sa demande de démission.
73. Un B C de la V peut aller en visite dans une V voisine sous la condition exclusive quil ait été présenté par le B C Voy. Il sera néanmoins charb sur les Ourd de la V par le C P avant dêtre accepté dans la Bar.
74. Un B C dune V extérieure peut être affilié à la V sous les conditions suivantes : quil soit à jour de ses cotisations avec sa V dorigine ; quil soit connu par le B C Voy de la V ; quil soit recommandé par au moins 3 BB CC qui répondent de lui sur leur Av ; quil ny ait eu aucun motif de brouille entre lui et sa V qui naient été préalablement résolu ; et que sa V soit mise au courant de sa volonté et quelle ait donné son accord pour laffiliation.
75. Peut être initié au gr dApp Ch tout homme ou toute femme de 21 ans accomplis, nétant ni esclave ni maître, et qui nest pas dupe de la comédie sociale. Le guêpier devra avoir montré dans sa vie profane la distance quil met entre lui et la bêtise, le peu de cas quil met à défendre lavilissement dans le travail, un goût manifeste pour la dérision, lappel des hauteurs et le goût du risque. On attend de lui quil se soit révélé dans des actes qui le mettent du côté des méprisés, cest-à-dire des pauvres, des poètes, des voleurs, des fainéants, des mendiants et des sages. Il devra aussi avoir fait montre dans sa vie quotidienne des qualités irréprochables que sont le goût pour la paresse, lamitié, la lucidité , le cur, en somme.
En ce cas, après que 3 BB CC aient enquêté auprès de lui, et au minimum 9 mois, ou 9 semaines, ou 9 heures ou 9 minutes après sa demande dadmission, il pourra être soumis aux premières épreuves initiatiques.
Si limpétrant est entrepreneur, homme de loi, militaire, gendarme ou religieux, il devra subir une sévère mise à lépreuve de ses qualités, à travers une série dépreuves où il lui sera demandé de verser une somme considérable à la V, de témoigner en sa faveur à un procès, de détourner des armes et des munitions vers les BB CC, enfin dêtre parjure avec sa foi et de maudire son dieu. A lissue de ces épreuves, on lui refusera linitiation. Car sil a échoué à ces épreuves, il sera resté fidèle à la bêtise et à la méchanceté ; et sil a accepté et les a franchies avec succès , cest quil est prêt à tout, et quon ne peut lui faire confiance.
76. Peut être initié au gr de M Ch tout B C App Ch qui en fait la demande à sa V. Il doit y avoir cependant 9 mois, ou 9 semaines, ou 9 heures ou 9 minutes qui se sont passés entre son accession au gr dApp Ch et son initiation au gr de M Ch.
LApp sera reçu M sil a fait montre de réelles qualités pendant son App, la première étant quil a su garder son indépendance par rapport à la Ch et na jamais adhéré à cette dernière comme si elle eût été pour lui une planche de salut ou une nouvelle foi. Peuvent donc postuler au gr de M Ch ceux qui, parmi les Ch nont pas une confiance aveugle en la Ch, et nen font pas déloges niais, plein de morale dégoulinante ou sentencieuse.
§ 4 Usages et Coutumes
77. La coutume veut quen Ch moderne on sappelle indistinctement " mon B C Ch" lorsque les Travaux sont symboliques et que latmosphère est bucolique ; mais lappellation devient " Carbonaro " lorsque les propos sont politiques, séditieux ou subversifs, ce qui est la même chose en V carbonariste. De même, le mot " honneur " na pas lieu dêtre en V, et on y préfère lusage de " lAv". Le lieu où la V a lieu sappelle la Bar. Les alentours immédiats de la Bar sont les Ourd. Ils sont dans la périphérie où la voix du C P porte jusquà la Bar. Au-delà de lOurd, cest la Forêt.
78. Les mots sont codés comme par leur diminutif suivi dune triponctuation inversée () qui signifie larbre que lon renverse. Il peuvent aussi être codés par cinq points (.::) qui signifient les cinq bases. Le G::: F::: est le seul mot qui se code en six points. Les correspondances sont signées de Etinamuh.
79. Lindex horizontal signifie la fine aiguille ou le point du jour, heure symbolique à laquelle débute le Charb. Lindex courbé en rétrogradé signifie la sortie de la V
§ 5 Autres points
80. les Articles suivants, jusquà 99 sont laissés blancs, afin que la V y pourvoit elle-même, et quelle sen débrouille, édictant des décrets particuliers quelle trouve accomodant avec sa manière singulière de Charb, pourvu quils ne soient point contradictoires avec les Articles précédents.
V DEVENIR FUMEE
RIT PRIMITIF C
Ier GRADE APPRENTISSAGE
Du néant à la vie
DISPOSITION ET DECORATION DE LA V
Si autrefois, la V se tenait en pleine nature dans une clairière au clair de lune parce que la Forêt était le refuge du Maquisard, aujourdhui que le béton fleurit par toute la terre et que le désert et la jungle sont urbaines, il a été convenu que la V de carbonari peut être tenue dans un site urbain. En ce cas, ce devra être un site laissé à labandon, dans une zone hostile, comme un terrain vague, une cave dimmeuble, un chantier en construction.
Les BB CC sont en chemise, si possible manches retroussées et bras découverts, et doivent porter une ceinture de cuir. Ils ont dépaisses chaussures, et les costumes doivent être troqués contre des habits de toile épaisse et pratique, de campagne ou de travailleur, comme sils sortaient effectivement dun chantier de plein air. Ils doivent venir à la V armés sils le peuvent, soit du poignard rituel marqué au sceau de la mort, soit enfin dune arme à feu. Le visage doit être masqué et nul ne se découvre de toute la cérémonie, de telle sorte quil devient difficile pour un profane de distinguer les BB CC les uns des autres ou de les reconnaître. Si, dans les temps anciens, cétait le Charb sur la face qui faisait office de masque, il est plus approprié aujourdhui de porter un foulard, une cagoule, un passe-montagne, ou tout couvre-chef rendant difficile lidentification. Les BB CC restent constamment coiffés ou masqués pendant la cérémonie.
Il ne faut pas que les BB CC paraissent ici apprêtés ou déguisés. Ainsi, sil advenait que, par un malheureux hasard, ils fussent contraint dinterrompre la V et de se fondre dans la foule, ils seraient difficilement repérables, tant ils pourraient passer, ainsi accoutrés, pour de modernes ouvriers de chantier dextérieur.
LAssemblée forme un cercle. Ce cercle aura été tracé préalablement à la cérémonie par le Cousin Piqueur, à laide dun morceau de Charbon, ou bien avec une craie, ou bien encore avec de leau ou simplement en le traçant à la surface du sol. Il devra être de dimension suffisante pour que tous les membres de lAssemblée puisse y siéger.
Trois BB CC sont positionnés à la périphérie du cercle comme sils étaient aux trois pointes dun triangle équilatéral. Ce sont le Respectable Charbonnier, et les deux Gardes du chantier. Dans le cas où la V est en extérieur, ces trois derniers BB CC ont chacun devant eux une souche, un tronc darbre, un billot, une pièce de bois, ou une table. Dans le cas où la V est en zone urbaine, ou si la situation est périlleuse, il nest pas besoin de ces éléments devant le Respectable et ses deux Gardes.
A la droite et à la gauche du R Ch siègent deux autres BB CC qui sont le Voyageur et le Veilleur.
Il est préférable que les B C soient debouts. Cependant, dans le cas où la cérémonie pourrait être longue en raison dun ordre du jour chargé, on pourrait préparer quelques sièges qui seront rustiques, sobres, voire de fortune (tabourets, caisses...). Il reste enfin la possibilité, pour une V de taille restreinte, dans une Baraque étroite, de prendre place à même le sol, sous la condition expresse que personne ne soit alors assis ou debout.
A lextérieur du cercle des BB CC, le Cousin Piqueur surveille les alentours de la V. Il porte, si possible, une arme à feu. Il peut choisir dêtre épaulé, dans sa mission de sentinelle par tout Bon Cousin quil estimera nécessaire.
Sur la table (si elle existe) que se partagent le R Ch, le Veil et le Voy, on aura mis du pain, du vin, une couronne daubépine blanche, et cinq pièces de monnaie. Sil nest pas possible, pour des raisons durgence ou de zone urbaine de trouver du pain et du vin, il faut les remplacer par deux substances renvoyant aux deux natures terrestre et spirituelle, cest pourquoi la première devra impérativement être faite des moissons de la terre, et lautre devra-t-elle contenir lesprit de la terre. Sil nest pas non plus possible de tresser la couronne daubépine blanche, ou sil nest pas dessence végétale disponible, la couronne devra être remplacée par un bandeau de toile rugueuse, baisé par le Respectable Charbonnier et qui sera ceint durement autour du front de limpétrant pendant la cérémonie. Juste devant le R Ch, on aura mis deux armes à feu entrecroisées, ou une seule, (le fût du canon dirigée face au R Ch), ou encore un poignard.
Devant la table (si elle existe) qui fait office de plateau pour le R Ch, le Voy et le Veil, on aura pris soin de déposer à même le sol sur un linge blanc les bases suivantes :
1 ledit linge blanc
2 une chandelle allumée
3 un verre deau
4 une salière pleine
5 un miroir
On pourra aussi y adjoindre :
deux branches liées en croix, lune effeuillée, lautre garnie de ses feuilles
une tresse de quelques rubans noir, rouge, bleu
une branchette de houx (" la pierre de comparaison ")
une hache et une pelle posées en croix lune sur lautre, la pelle au-dessus pour les travaux spéculatifs, la hache au-dessus pour les travaux politiques.
une pelote de fil
des bûches
un peu de terre
quelques feuilles
une couronne déglantine (nécessaire pour linitiation dApp)
une échelle miniature à sept barreaux
du fil et une aiguille
etc...
La composition des bases avant la cérémonie proprement dite est un moment très important, car en sus des cinq bases incontournables, il est possible dadapter les objets symboliques à la nature de la cérémonie du jour. Ainsi cette souplesse permet-elle de rendre plus de force encore au rituel.
OUVERTURE DES TRAVAUX
§1 Batteries et acclamations rituelles douverture
Le R Ch bat lAv ; les deux BB CC GG du Chantier battent lun après lautre de droite à gauche. Battre lAv signifie donner un coup de poignard devant soi. Si les BB CC sont dépouillés de leur lame, il est possible exceptionnellement, de battre la Diane. En ce cas, il sagit de frapper lun contre lautre les deux poignets, poings serrés, à hauteur du cur.
Sitôt lAv battu par les trois BB CC, le R Ch invite les BB CC présents à se mettre à lordre, lui compris. Lordre se fait debout, en mettant à hauteur du nombril les bras en croix, le poignet droit sur le poignet gauche, et en tenant le poignard verticalement. Chacun sexécute. Simultanément, on frappe du pied droit en lécartant légèrement du gauche, mais en les laissant parallèles lun à lautre, et on sécrie : " A lAv ! "
Le R Ch bat ensuite cinq coups de son poignard comme suit : 0......0..0......0..0, et déclare la Vente ouverte.
§2 Présentation des bases
Chacun quitte lordre et se met à ses aises. Puis, le R Ch, sadressant au Veil lui demande comment lon fait un B C. Lautre lui répond en désignant de la main les " bases ", cest-à-dire les objets rituels qui se trouvent au cur du triangle, sur le drap blanc. Le Veil doit pour chacun des objets rituels, expliquer en quelques mots leur sens, selon le contexte de la V. Il doit aussi sexprimer sur le tronc sur lequel repose le drap blanc, le cas échéant. Il est libre de son interprétation, mais ne doit pas pour autant faire un exposé qui nen finirait plus. Il doit être bref, mais ne pas se contenter des récitations des dictionnaires de symbolisme.
Traditionnellement, le tronc darbre sur lequel repose les cinq bases renvoie au ciel et à la rotondité du monde ; le drap renvoie également aux premiers langes de lenfant qui vient de naître et au linceul qui enveloppe le mort ; leau a des vertus purificatrices ; le feu éclaire ; le sel assainit ; le miroir révèle lhomme à lui-même ; la pelote de fil unit tous les B C ; les bûches servent à chauffer le fourneau ; les feuilles couvrent la braise ; la couronne déglantine rappelle les infortunes de la très sainte liberté ; les rubans sont les attributs de la C bleu comme la fumée, noir comme le charbon, rouge comme le feu, etc...
§ 3 Questions
Le R Ch sadresse ensuite au Voy, et linterroge sur trois points : Dabord son origine, ensuite sur ce quil vient faire ici, enfin sur ce quil apporte.
A la question de son origine, le Voy interrogé répondra quil vient de la " Forêt du Roi " ; à propos de ce quil vient faire ici, il explique que " si cela semble du mal en apparence, cela se changera bientôt en bien " ; enfin, quant à savoir ce quil apporte, il répond quil " vient avec du bois, des feuilles et de la terre pour construire, frapper et cuire au fourneau ".
Le R Ch cherche à le questionner un peu plus sur ce dernier point, et le Voy révèle quil apporte aussi " Honneur, Vérité, Humanité " à tous les B C ici réunis.
Ensuite le R Ch interroge une dernière fois le Voy de cette manière (et cest la seule partie rituelique qui est sue par cur) :
" Où est ton parrain ?
Le Voy tourne la tête à droite.
Où est ta marraine ?
Le Voy tourne la tête à gauche.
Où est ton père ?
Le Voy lève les yeux au ciel.
Où est ta mère ? "
Le Voy baisse les yeux vers la terre.
§ 4 Travaux
On peut alors procéder aux Travaux. Les discussions privées sont interdites pour la pleine clarté des exposés, et les GG peuvent rappeler à lordre les discourtois. La demande de prise de parole se fait en plantant son poignard devant soi ou, à défaut, en battant la Diane. La parole est répartie par le R Ch qui veille à ce que les temps de parole soient équitables, et que chacun soit traité sur un pied dégalité, malgré les différences daisance dexpression. Le R Ch intervient surtout dans les débats comme un modérateur de séance, qui synthétise la parole des uns et des autres, ramène au sujet lorsquon sen écarte.
Lors des travaux, les BB CC peuvent circuler librement dans les limites du cercle initialement tracé par leur présence, sous la condition expresse du silence pendant les débats, et si le relâchement dattention qui sen suit ne nuit pas au débat. Communément, on autorise les déplacement dans les travaux lorsque ceux-ci sont dabord festifs, et ne sont que loccasion de se retrouver, dans la paix, la joie et lharmonie. Seul le Cousin Piqueur peut franchir le cercle et passer indistinctement du sacré au profane. Il est enfin possible de faire circuler du pain, du café, du thé, du vin, du tabac, etc. à condition que les prises soient modestes et partagées. Là encore, cest aux GG dintervenir sils estiment que la prudence nest pas respectée. Les Travaux de Charb sont discrets : ils ne sont jamais clos par de bruyantes agapes. Aussi autorise-t-on donc le partage fraternel dans lespace et le temps sacré, mais alors la nourriture partagée entre les hommes est également sacrifiée aux dieux. Cest pourquoi une part modeste et minime de ce qui est partagé par les BB CC doit-il être aussi donné à leur Mère la Terre. On prendra donc soin, avant de porter pour la première fois la nourriture ou la boisson aux lèvres, den glisser une petite part en offrande sous la terre. Lorsquil sagit de fumer, la première bouffée soufflée doit être dirigée vers le Ciel, vers le Père.
INITIATION
a) Préparatifs
Le récipiendaire est invité à se rendre à lheure de la prochaine V, dans les environs de la Baraque. Il doit ignorer précisément le lieu de la rencontre, et ses enquêteurs lui auront laissé entendre quils sera contacté par lun des leurs. On lui recommande aussi de venir armé dans léventualité dun guet-apens.
Le R Ch invite le C P à faire un tour dans la Forêt, à lextérieur de la V pour y rencontrer éventuellement des curieux et les constituer prisonniers pour les amener ici.
Le C P sort et parcourt la Forêt ; il peut éventuellement se faire aider dautres B C quil a loisir de réquisitionner pour la peine. Sil rencontre le récipiendaire, il le menace avec son arme, le désarme, lui ôte son argent et son habit et lamène à la porte du chantier où il le laisse. Puis il sannonce par ces mots : " A lavantage ! ". Le R Ch lui répond de même.
Le C P, accompagné de ses acolytes éventuels, rentre et jette au milieu du cercle le résultat de ses rapines sur le Guêpier. On lui demande de ses nouvelles ; il annonce la découverte dun impétrant. On linterroge sur les réactions de ce dernier pendant laltercation et sur ce quen pense le C P. Si personne ne sy oppose, on décide donc de lui faire pénétrer la V.
b) Première rencontre
Le C P sort et demande au Récipiendaire son nom et ses qualités, puis il lui bande les yeux avant de lintroduire. Les deux GG quittent leur poste pour attendre à lhuis de la Bar. Sitôt quil entre, il est emmené par les trois BB CC au milieu de la V, debout face au R Ch. Le récipiendaire est positionné devant le centre de la V, face au R Ch.
Tous les BB CC de la vente lui font un interrogatoire serré, mais respectueux.
Puis le R Ch passe au vote, vote qui doit remporter lunanimité pour que linitiation ait lieue, sans quoi, elle est ajournée, et le Guêpier est reconduit au milieu de la forêt avec ses affaires, mais il aura été délesté de son argent.
c) Initiation
On le fait alors avancer auprès de la souche du R Ch , et on lui fait prêter lobligation, laquelle sera prononcée sur deux armes à feu entrecroisées, ou sur une seule, ou bien encore sur le poignard rituel, alors quil est debout. Au moment du serment, les BB CC se lèvent, et le cercle se resserre autour de lui.
Le Serment est composé de cinq engagements
1 Ne rien révéler des secrets de ce qui se fait en V ;
2 Ne jamais tromper un B C ;
3 Toujours porter assistance à un B C dans la détresse ;
4 Punir les tyrans et les oppresseurs ;
5 Rester fidèle à la liberté
Puis, à lissue, le R C lui passe la couronne de feuilles, lui donne " lacolée " sur le chignon du cou, et lui offre le poignard ou larme sur laquelle il a fait son serment. Il lui enseigne la Parole sacrée (" Honneur, Vérité, Humanité "), lui dit que le Mot dOrdre qui se donne chaque mois, de bouche à oreille, ne sécrit jamais. Enfin, il lui donne le signe de reconnaissance, dit de lEcharpe (porter la main droite à lépaule gauche et descendre jusquà la hanche droite comme si lon était tranché dun coup de hache que lon se donnait à soi-même plutôt que dêtre parjure).
Le récipiendaire est ensuite salué par tous les BB CC qui lembrassent et se réjouissent avec lui. Ensuite, on partage avec lui le pain et le vin de lhospitalité et on lui donne la menue monnaie quil y a sur la souche du R C . Il repart en sus avec larme sur laquelle il a fait son serment et la couronne déglantines ou de feuilles.
FERMETURE DES TRAVAUX
Le R Ch bat la diane ; les deux BB CC GG du Chantier battent lun après lautre de gauche à droite. Puis le R Ch invite les BB CC présents à se mettre à lordre.
Le R Ch bat ensuite cinq coups et déclare la V fermée.
RIT PRIMITIF C
IIe GRADE MAÎTRISE
Passage de la vie à la mort
DISPOSITION ET OUVERTURE DES TRAVAUX DE LA V
Rien ne change par rapport à linitiation au Ier Grade, si ce nest, bien sûr, que lassemblée nest faite que de BB CC MM Ch , et quelle doit avoir lieu impérativement à la nuit tombée.
La table commune du R Ch , du Veil et du Voy est libre de tout objet.
Les bases ne sont composées que des cinq outils symboliques traditionnels que sont le Drap blanc, lEau, le Feu, le Sel, et le Miroir, et rien dautre.
LApp attend à lextérieur de la V avec le C P. Il est venu avec son Arme, si possible celle sur laquelle il a prêté son serment, ainsi que la Couronne déglantines dont il fut coiffé. Sil ne la plus, une autre lui est faite par le C P. Il a été convoqué bien plus tôt dans la journée, et cest le C P qui la accueilli avec une pelle, ou une pioche, en linvitant à creuser une fosse dans un endroit assez retiré par rapport à la V , et cest pourquoi il est impératif que la V ait lieu en extérieur, afin que la fosse puisse être creusée à même la terre.. Pendant tout ce travail exténuant, le C P naura pas établi le moindre contact avec lApp . La fosse doit être suffisante pour quon y inhume lApp . Il est possible que cette tâche lui ait coûté beaucoup defforts, mais le C P ne lui offrira rien pour le réconforter. Si lApp renonce à louvrage, le C P ne le retiendra pas, mais la Table Ronde des BB CC ChQ lui sera refusée.
OUVERTURE DES TRAVAUX
§1 Batteries et acclamations rituelles douverture
Le R Ch bat lAv ; les deux GG du Chantier battent lun après lautre de droite à gauche. Sitôt lAv battu par les trois BB CC , le R Ch invite les BB CC présents à se mettre à lordre, lui compris et lon crie : " A lAv ! ". Le R Ch bat ensuite lAv de cinq coups, et déclare la V ouverte.
On quitte lordre.
§2 Présentation des bases
On fait entrer lApp couronné. Sa poitrine doit être nue. On le met face aux Bases, à lordre. Le R Ch , sadressant au Veil lui demande comment lon fait un B C M Ch . Lautre lui répond en désignant de la main les bases, et les commente. Son commentaire doit être sombre, et la dimension de la transgression, de la violence et de la mort doivent transparaître, car on passe du spéculatif (App ) au politique (M ).
§ 3 Questions
Le R Ch sadresse ensuite au Voy , et lui fait le même jeu de questions-réponses auquel il sétait déjà prêté lors de la cérémonie dinitiation.
Cependant, si au Gr dApp , le Voy était censé apporter " lHonneur, la Vérité et lHumanité ", au Gr de M , il apportera : " rien ".
§ 4 Procession funèbre
Le R Ch demande à lApp , toujours à lordre, de quitter sa Couronne daubépines blanches (ou, à défaut, de feuilles). Il la lui dépose au milieu du Drap blanc, parmi les Bases. Puis, la V toute entière quitte la Bar et se met en procession funèbre, dans un silence lugubre que rien ne doit troubler.
Le R Ch ouvre la procession, marchant le premier en portant la lampe de lAssemblée.
Il est suivi par les deux GG de la V , le Veil et le Voy . Chacun de ces quatre BB CC tient lune des Bases : le Feu, lEau, le Sel, et le Miroir.
Suivent quatre BB CC qui tiennent chacun un coin du Drap blanc sur lequel reposent la Couronne et le Poignard. Ces quatre BB CC sont les trois derniers reçus MM de la V et lApp qui demande son passage à la M.
Viennent ensuite tous les BB CC de la V . Si la discrétion nest pas de mise, les BB CC devront chacun porter un Flambeau.
La procession est close par le C P , toujours armé.
§ 5 Inhumation
La procession sarrête devant la fosse creusée par lApp . Elle forme un vaste cercle autour de la tombe fraîche.
Le R Ch demande à limpétrant et aux trois MM qui laident de déposer le " Linceuil " et la Couronne au fond de la fosse.
La chose étant faite, le R Ch sapproche de limpétrant, flanqué du Voy et du Veil , et il lui fait le Baiser de Paix.
Puis tous les BB CC de la V défilent en silence devant la tombe. Sils ont les Flambeaux, chacun leur tour ils léteignent en passant devant la tombe. Cest le R Ch qui clôt le défilé en soufflant sa propre lampe de telle sorte que, à la fin, la seule source de lumière doit être le Feu cest-à-dire la Base portée par lun des dignitaires de la V .
Puis, sur un signe du porteur du Feu, celui-ci, le porteur de lEau, le porteur du Sel et le porteur du Miroir jettent ensemble dans la tombe les quatre Bases restantes.
Alors, dans la plus grande obscurité, le R Ch donne à lApp la pelle ou la pioche avec laquelle il avait creusé la fosse afin quil inhume le Cadavre. A chaque pelletée de terre, les BB CC Ch sen vont les uns après les autres. Il ny a pas de fermeture des Travaux. Ne restent à la fin de linhumation que le nouveau M et le C P .
Celui-ci devra le raccompagner jusquà un endroit où il lui fera brûler le Mannequin. Il pourra certes boire avec lui, mais jamais lors de la nuit il ne lentretiendra de la Ch .
Quelques jours plus tard, le R Ch ou tout autre B C mandaté par ce dernier lui fera linstruction du signe de lEchelle (porter les poings serrés, pouces relevés à hauteur des épaules, et les descendre brusquement jusquà hauteur des hanches) et lui donnera le mot de passe du Gr de M qui est : " rien ".
LES BRAISES SOUS LA CENDRE - Réveil du carbonarisme initiatique et insurrectionnel
A-R. Königstein
© Les Gouttelettes de Rosée 1999