L'anarchisme, c'est la vie libre
et l'oeuvre créatrice de l'homme. C'est la destruction de tout
ce qui est dirigé contre ces aspirations naturelles et saines de
l'homme.
L'anarchisme, ce n'est pas un
enseignement exclusivement théorique, à partir de programmes
élaborés artificiellement dans le but de régir la vie ; c'est
un enseignement tiré de la vie à travers toutes ses saines
manifestations, passant outre à toutes les normes artificielles.
La physionomie sociale et
politique de l'anarchisme, c'est une société libre,
antiautoritaire, celle qui instaure la liberté, l'égalité et
la solidarité entre tous ses membres.
Le Droit, dans l'anarchisme, c'est
la responsabilité de l'individu, celle qui entraîne une
garantie véritable de la liberté et de la justice sociale, pour
tous et pour chacun, partout et de tous temps. C'est là que
naît le communisme.
L'anarchisme naît naturellement
chez l'homme; le communisme, lui, en est le développement
logique.
Ces affirmations demandent à
être appuyées théoriquement à l'aide de l'analyse
scientifique et de données concrêtes, afin de devenir des
postulats fondamentaux de l'anarchisme. Cependant, les grands
théoriciens libertaires, tels que Godwin, Proudhon, Bakounine,
Johann Most, Kropotkine, Malatesta, Sebastien Faure et de
nombreux autres n'ont pas voulu, du moins je le suppose, enfermer
la doctrine dans des cadres rigides et définitifs. Bien au
contraire, on peut dire que le dogme scientifique de
l'anarchisme, c'est l'aspiration à démontrer qu'il est
inhérent à la nature humaine de ne jamais se contenter de ses
conquètes. La seule chose qui ne change pas dans l'anarchisme
scientifique, c'est la tendance naturelle à rejeter toutes les
chaînes et toute entreprise d'exploitation de l'homme par
l'homme. En lieu et place des chaînes et de l'escalvage
instaurés actuellement dans la société humaine - ce que,
d'ailleurs, le socialisme n'a pu et ne peut supprimer -,
l'anarchisme sème la liberté et le droit inaliénable de
l'homme à en user.
En tant qu'anarchiste
révolutionnaire, j'ai participé à la vie du peuple urkainien
durant la révolution. Ce peuple a ressenti instinctivement à
travers son activité l'exigeance vitale des idées libertaires
et en a également subi le poid tragique. J'ai connu, sans
fléchir, les mêmes rigueurs dramatiques de cette lutte
collective, mais, bien souvent, je me suis retrouvé impuissant
à comprendre puis à formuler les exigences du moment. En
général, je me suis rapidement repris et j'ai clairement saisi
que le but vers lequel, moi et mes camarades, nous appelions à
lutter était directement assimilé par la masse qui combattait
pour la liberté et l'indépendance de l'individu et de
l'humainté entière.
L'expérience de la lutte pratique
a renforcé ma conviction que l'anarchisme éduque d'une manière
vivante l'homme. C'est un enseignement tout aussi
révolutionnaire que la vie, il est tout aussi varié et puissant
dans ses manifestations que la vie créatrice de l'homme et, en
fait, il s'y indentifie intimement.
En tant qu'anarchiste
révolutionnaire, et tant que j'aurai un lien au moins aussi
ténu qu'un cheveu avec cette qualification, je t'appellerai, toi
frère humilié, à la lutte pour la réalisation de l'idéal
anarchiste. En effet, ce n'est que par cette lutte pour la
liberté, l'égalité et la solidarité que tu comprendra
l'anarchisme.
L'anarchisme existe, donc,
naturellement chez l'homme: il l'émancipe historiquement de la
psychologie servile - acquise atrificiellement - et l'aide à
devenir un combatant conscient contre l'esclavage sous toutes ses
formes. C'est en cela que l'anarchisme est révolutionnaire.
Plus l'homme prend conscience, par
la reflexion, de sa situation servile, plus il s'en indigne, plus
l'esprit anarchiste de liberté, de volonté et d'action
s'incruste en lui. Cela concerne chaque individu, homme ou femme,
même s'ils nont jamais entendu parler du mot
"anarchisme".
La nature de l'homme est
anarchiste: elle s'oppose à tout ce qui tend à l'emprisonner.
Cette essence naturelle de l'homme, selon moi, s'exprime dans le
terme scientifique d'anarchisme. Celui-ci, en tant qu'idéal de
vie chez l'homme, joue un rôle significatif dans l'évolution
humaine. Les oppresseurs, tout aussi bien que les opprimés,
commencent peu à peu à remarquer ce rôle; aussi, les premiers
aspirent-ils par tout les moyens à déformer cet idéal, alors
que les seconds aspirent, eux, à les rendre plus accessibles à
attiendre.
La compréhension de l'idéal
anarchiste chez l'esclave et le maître grandit avec la
civilisation moderne. En dépit des fins que celle-ci s'était
jusque là données - endormir et bloquer toute tendance
naturelle chez l'homme à protester contre tout outrage à sa
dignité -, elle n'a pu faire taire les esprits scientifiques
indépendants qui ont mis à nu la véritable provenance de
l'homme et démontré l'innexistence de Dieu, considéré
auparavant comme le créateur de l'humanité. Par suite, il est
devenu naturellement plus facile de prouver de manière
irréfutable le caractère artificiel des "onctions
divines" sur terre et des relations infâmantes qu'elles
entraînaient contre les homes.
Tous ces évènements ont
considérablement aidé au développement conscient des idées
anarchistes. Il est tout aussi vrai que des conceptions
artificielles ont vu le jour à la même époque: le liberalisme
et le socialisme prétendument "scientifique", dont
l'une des branches est représentée par le
bolchevisme-communisme. Toutefois, malgrés toute leur immense
influence sur la psychologie de la société moderne, ou du moins
sur une grande partie d'entre elle, et malgré leur triomphe sur
la réaction classique d'une part, et sur la personnalité de
l'individu, d'autre part, ces conceptions artificielles tendent
à glisser sur la pente menant aux formes déja connues du vieux
monde.
L'homme libre, qui prend
conscience et qui l'exprime autour de lui, enterre et enterrera
inévitablement tout le passé infâmant de l'humanité, ainsi
que tout ce que cela entraînerait comme tromperie, violence
arbitraire et avilissement. Il enterrera aussi ces enseignements
artificiels.
L'individu se libère peu à peu,
dès à présent, de la chape de mensonges et de lâcheté dont
l'ont recouvert depuis sa naissance les dieux terrestres, cela à
l'aide de la force grossière de la baïonnette, du rouble, de la
"justice" et de la science hypocrite - celle des
apprentis sorciers.
En se débarrassant d'une telle
infamie, l'individu atteint la plénitude qui lui fait découvrir
la carte de la vie: il y remarque en premier lieu son ancienne
vie servile, repoussante de lâcheté et de misère. Cette vie
ancienne avait tué en lui, en l'asservissant, tout ce qui avait
de propre, clair et valable au départ, pour le transformer soit
en mouton bêlant, soit en maître imbécile qui piétine et
déchire tout ce qu'il y a de bon en lui-même et chez autrui.
C'est seulement à ce moment que
l'homme s'éveille à la liberté naturelle, indépendante de qui
ou de quoi que ce soit et qui réduit en cendre tout ce qui lui
est contraire, tout ce qui viole la pureté et la beauté
captivante de la nature, laquelle se manifeste et croît à
travers l'oeuvre créatrice autonome de l'individu. Ce n'est
qu'ici que l'homme revient à lui-même et qu'il condamne pour
toujours son passé honteux, coupant avec lui tout lien psychique
qui emprisonnait jusqu'ici sa vie individuelle et sociale, par le
poids de son ascendance serville et aussi, en partie, par sa
propre démission, encouragée et accrue par les chamans de la
science.
Désormais, l'homme avance
d'année en année autant qu'il le faisait auparavant de
génération en génération, vers une fin hautement étique: ne
pas être, ni devenir lui-mêmme un chaman, un prophète du
pouvoir sur autrui et ne plus permettre à d'autres de disposer
d'un pouvoir sur lui.
Libéré des dieux célèstes et
terrestres, ainsi que de toutes leurs prescriptions morales et
sociales, l'homme élève la voix et s'oppose en actes contre
l'exploitation de l'homme par l'homme et le dévoiement de sa
nature, laquelle reste invariablement liée à la marche en
avant, vers la pleinitude et la perfection. Cet homme révolté
ayant pris conscience de soi et de la situation de ses frères
opprimés et humiliés, s'exprime dorénavant avec son coeur et
sa raison: il devient un anarchiste révolutionnaire, le seul
individu qui puisse avoir soif de liberté, de pleinitude et de
perfection tant pour lui que pour le genre humain, foulant à ses
pieds l'esclavage et l'idiotie sociale qui s'est incarnée
historiquement par la violence - l'Etat. Contre cet assassin et
bandit organisé, l'homme libre s'organise à son tour avec ses
semblables, en vue de se renforcer et d'adopter une orientation
véritablement communiste dans toutes les conquètes communes
accomplies sur la voie créatrice, à la fois grandiose et
pénible.
Les ndividus membres de tels
groupes s'émancipent par là même de la tutelle criminelle de
la société dominante, dans la mesure où ils redeviennent
eux-mêmes, c'est à dire qu'ils rejettent toute servilité
envers autrui, quelqu'ils aient pu être auparavant: ouvrier,
paysan, étudiant ou intellectuels. C'est ainsi qu'ils échappent
à la condition soit d'âne bâté, d'esclave, de fonctionnaire
ou de laquais se vendant à des maîtres imbéciles.
En tant qu'individu, l'homme se
rapproche de sa personnalité authentique l'orsqu'il rejette et
réduit en cendres les idées fausses sur sa vie, retrouvant
ainsi tous ses véritables droits. C'est par cette double
démarche de rejet et d'affirmation que l'individu devient un
anarchiste révolutionnaire et un communiste conscient.
En tant qu'idéal de vie humaine,
l'anarchisme se révèle consciemment en chaque individu comme
une aspiration naturelle de la pensée vers une vie libre et
créatrice, conduisant à un idéal social de bonheur. A notre
siecle, la société anarchiste ou société harmonieuse
n'apparaît plus comme une chimère. Cependant, autant que son
élaboration et son aménagement pratique, sa conception paraît
encore peu évidente.
En tant qu'enseignement portant
sur une vie nouvelle de l'homme et de son développement
créateur, tant sur le plan individuel que social, l'idée même
de l'anarchisme se fonde sur la vérité indestructible de la
nature humaine et sur les preuves indiscutables de l'injustice de
la société actuelle - véritable plaie permanente. Cette
constatation conduit ses partisants - les anarchistes - à se
trouver en situation à demi ou entièrement illégale vis-à-vis
des institutions officielle de la société actuelle. En effet,
l'anarchisme ne peut être reconnu tout à fait légal dans aucun
pays; cela s'explique par son serviteur et maître: l'Etat. La
société s'y est complètement dissoute; toutes ses fonctions et
affaires sociales sont passées aux mains de l'Etat. Le groupe de
personnes qui a parasité de tous temps l'humanité, en lui
construisant des "tranchées" dans sa vie, s'est ainsi
identifié à l'Etat. Que ce soit individuellement ou en masse
innombrable, l'homme se retrouve à la merci de ce groupe de
fainéants se faisant appeler "gouvernants et
maîtres", alors qu'ils ne sont en réalité que de simple
exploiteurs et oppresseurs.
C'est à ces requins qui
abrutissent et soumettent le monde actuel, qu'ils soient
gouvernants de droite ou de gauche, bourgeois ou socialistes
étatistes, que la grande idée d'anarchisme ne plaît en aucune
sorte. La différence entre ces requins tient en ce que les
premiers sont des bourgeois déclarés - par conséquents moins
hypocrites -, alors que les seconds, les socialistes étatistes
de toutes nuances, et surtout parmis eux les collectivistes qui
se sont indûment accolés le nom de communistes, à savoir les
bolcheviks, se dissimilent hypocritement sous les mots d'ordre de
"fraternité et d'égalité". Les bolcheviks sont prêt
à repeindre mille fois le société actuelle ou à changer mille
fois la dénomination des systèmes de domination des uns et
d'esclavage des autres, bref à modifier les appellations selon
les besoins de leurs programmes, sans changer pour autant un iota
de la nature de la société actuelle, quitte à échaffauder
dans leurs stupides programmes des compromis aux contradictions
naturelles qui existent entre la domination et la servitude. Bien
qu'ils sachent que ces contradictions soient insurmontables, ils
les entretiennent tout de même, à la seule fin de ne pas
laisser apparaître dans la vie le seul idéal humain véritable:
le communisme libertaire.
Selon leur programme absurde, les
socialistes et communistes étatistes ont décidé de
"permettre" à l'homme de se librer socialement, sans
qu'il soit possible pour autant de manifester cette librerté
dans sa vie sociale. Quant à laisser l'homme s'émanciper
spirituellement en totalité, de manière à ce qu'il soit
entièrement libre d'agir et de se soumettre uniquement à sa
propre volonté et aux seules lois naturelles, bien qu'ils
abordent peu ce sujet, il ne saurait pour eux en être question.
C'est la raison pour laquelle ils unissent leurs efforts à ceux
des bourgeois afin que cette émancipation ne puisse jamais
échapper à leur odieuse tutelle. De toute façon,
l'"émancipation" octroyée par un pouvoir politque
quelconque, on sait bien désormais quel aspect cela peur
revêtir.
Le bourgeois trouve naturel de
parler des travailleurs comme d'esclaves condamné à le rester.
Il n'encouragera jamais un travail authentique susceptible de
produire quelquechose de réellement utile et beau, pouvant
bénéficier à l'humanité entière. Malgrè les capitaux
colossaux dont il dispose dans l'industrie et l'agriculture, il
affirme ne pas pouvoir aménager des principes de vie sociale
nouvelle. Le présent lui paraît tout fait suffisant, car tout
les puissants s'inclinnent devant lui: les tsars, les
présidents, les gouvernements et la quasi-totalité des
intellectuels et savants, tout ceux qui soumettent à leur tour
les esclaves de la société nouvelle. "Domestiques"
crient les bourgeois à leur fidèles serviteurs, donnez aux
esclaves le servile qui leur est dû, gardez la part qui vous
revient pour vos dévoués services, puis conservez le reste pour
nous!... Pour eux, dans ces conditions, la vie ne peut être que
belle!
"Non nous ne sommes pas
d'accord avec vous là-dessus! rétorquent les socialistes et
communistes étatistes. Sur ce, ils s'adressent aux travailleurs,
les organisent en parti politiques, puis les incitent à se
révolter en tenant le discours suivant: "Chassez les
bourgeois du pouvoir de l'Etat et donnez-nous-le, à nous
socialistes et communistes étatistes, ensuite nous vous
défendrons et libererons".
Ennemis acharnés et naturels du
pouvoir d'Etat, bien plus que les fainéants et les
privilégiés, les travailleurs expriment leur haine, s'insurgent
accomplissent la révolution, détruisent le pouvoir d'Etat et en
chassent ses détenteurs, puis, soit par naïveté soit par
manque de vigilance, ils laissent les socialistes s'en emparer.
En Russie, ils on laisser les bolcheviks-communistes se
l'accaparer. Ces laches jésuites, ces monstres et bourreaux de
la liberté se mettent alors à égorger, à fusiller et à
écraser les gens, même désarmés, tout comme auparavant les
bourgeois, si ce n'est pire encore. Ils fusillent pour soumettre
l'esprit indépendant, qu'il soit individuel ou collectif, dans
le but d'anéantir pour toujours en l'homme l'esprit de liberté
et la volonté créatrice, de le rendre esclave spirituel et
laquais physique d'un groupe de scélérats installés à la
place du trône déchu, n'hésitant pas à utiliser des tueurs
pour se subordonner la masse et éliminer les récalcitrants.
L'homme gémit sous le poids des
chaînes du pouvoir socialiste en Russie. Il gémit aussi dans
les autres pays sous le joug des socialistes unis à la
bourgeoisie, ou bien sous celui de la seule bourgeoisie. Partout,
individuellement ou collectivement, l'homme gémit sous
l'oppression du pouvoir d'Etat et de ses folies politiques et
économiques. Peu de gens s'intéressent à ses souffrances sans
avoir en même temps d'arrières-pensées, car les bourreaux,
anciens ou nouveaux, sont très forts spirituellement et
physiquement: ils disposent de grands moyens efficaces pour
soutenir leur emprise et écraser tout et tous ceux qui se
mettent en travers de leur chemin.
Brûlant de défendre ses droits
à la vie, à la liberté et au bonheur, l'homme veut manifester
sa volonté créatrice en se mêlant au tourbillon de violence.
Devant l'issue incertaine de son combat, il a parfois tendance à
baisser les bras devant sont bourreau, au moment même où
celui-ci passe le noeud coulant autour du cou, cela alors qu'un
seul de ses regards audacieux suffirait à faire trembler le
bourreau et à remtte en cause tout le fardeau du joug.
Malheureusement, l'homme préfère bien souvent fermer les yeux
au moment même où le bourreau passe un noeud coulant sur sa vie
toute entière.
Seul, l'homme qui a réussi à se
débarasser des chaînes de l'oppression et observé toutes les
horreurs se commettant contre le genre humain, peut être
convaincu que sa liberté et celle de son semblable sont
inviolables, tout autant que leur vies, et que son semblable est
un frère. S'il est prêt à conquerir et à defendre sa
liberté, à exterminer tout exploiteur et tout bourreau (si
celui-ci n'abandonne pas sa lâche profession), puis s'il ne se
donne pas pour but dans sa lutte contre le mal de la société
contemporaine de remplacer le pouvoir bourgeois par un autre
pouvoir tout aussi oppresseur - socialiste, communiste ou
"ouvrier" (bolchevik) -, mais d'instaurer une société
réellement libre, organisée à partir de la responsabilité
individuelle et garantissant à tous une liberté authentique et
une justice sociale égale pour tous, seul cet homme là est un
anarchiste révolutionnaire. il peut sans crainte regarder les
actes du bourreau-Etat et recevoir s'il le faut son verdict, et
aussi énoncer le sien à l'occasion en déclarant: "Non, il
ne saurait en être ainsi! Révolte-toi, frère opprimé!
Insurge-toi contre tout pouvoir de l'Etat! Détruis le pouvoir de
la bourgeoisie et ne le remplace pas par celui des socialistes et
des bolcheviks-communistes. Supprime tout pouvoir d'Etat et
chasse ses partisants, car tu ne trouveras jamais d'amis parmis
eux."
Le pouvoir des socialistes ou
communistes étatitstes est tout aussi nocif que celui de la
bourgeoisie. Il arrive même qu'il le soit encore davantage,
l'orsqu'il fait ses expériences avec le sang et la vie des
hommes. A ce moment, il ne tarde pas à rejoindre à la dérobée
les prémices du pouvoir bourgeois; il ne craint plus alors de
recourrir aux pires moyens en mettant et en trompant encore plus
que tout autre pouvoir. Les idées du socialisme ou communisme
d'Etat deviennent même superflues: il ne s'en sert plus et se
rapproche à toutes celles qui peuvent lui servir à s'aggriper
au pouvoir. En fin de compte, il ne fait qu'employer des moyens
nouveaux pour perpetuer la domination et devenir plus lâche que
la bourgeoisie qui, elle, pend le révolutionnaire publiquement,
alors que le bolchevisme-communisme, lui, tue et étrangle en
cachette.
Toute révolution qui a mis aux
prises la bourgeoisie et les socialistes ou communistes d'Etat
illustre bien ce que je viens d'affirmer, en particulier si l'on
considère l'exemple des révolutions russes de fevrier et
d'octobre 1917. Ayant renversé l'empire russe, les masses
laborieuses se sentirent en conséquence à demi émancipée
politiquement et aspirèrent a parachever cette libération.
Elles se mirent à transmettre les terres, confisquées aux
grands propriétaires terriens et au clergé, à ceux qui les
cultivaient ou qui avaient l'intention de le faire sans exploiter
le travail d'autrui. Dans les villes, ce furent les usines, les
fabriques, les typographies et autres entreprises sociales qui
furent prises en main par ceux qui y travaillaient. Lors de ces
réalisations saines et enthousiastes, tendant à instaurer des
relations fraternelles entre les villes et les campagnes, les
travailleurs ne voulurent pas remarquer qu'à Kiev, Kharkov et
Pétrograd, des gouvernements nouveaux se mettaient en place.
A travers ses organisations de
classe, le peuple aspirait à poser le fondement d'une société
nouvelle et libre devant éliminer, en toute indépendance, au
cours de son developpement, du corps social tous les prarasites
et tous les pouvoirs des uns sur les autres, jugés stupides et
nuisibles par les travailleurs.
Une telle démarche s'affirma
nettement en Ukraine, dans l'Oural et en Sibérie. A Tiflis,
kiev, Petrograd et Moscou, au coeur même des pouvoir mourants,
cette tendance se fit jour. Toutefois, partout et toujours, les
socialistes et communistes d'Etat avaient et on encore leurs
nombreux partisants, ainsi que leurs tueurs à gages. Parmi
ceux-ci, il faut malheureusement constater qu'il y eu de nombreux
travailleurs. A l'aide de ces tueurs les bolcheviks ont coupé
court à l'oeuvre du peuple, et d'une manière si terrible que
même l'inquisition du Moyen Age pourrait les envier.
Quant a nous, connaissant la
véritable nature de l'Etat, nous disons aux guides socialistes
et bolcheviks: "Honte à vous! Vous avez tant écrit et
discuté de la férocité bourgeoise à l'égard des opprimés.
Vous avez défendu avec tant d'acharnement la pureté
révolutionnaire et le dévouement des travailleurs en lutte pour
leur émancipation et maintenant, parvenu au pouvoir, vous vous
révélez ou bien les même lâches laquais de la bourgeoisie ou
bien vous devenez vous même bourgeois en utilisant ses moyens,
au point même qu'elle s'en étonne et s'en moque."
D'ailleurs à travers les
expériences du bolchevisme-communiste, la bourgeoisie a compris,
ces dernieres années, que la chimère scientifique d'un
socialisme étatique ne pouvait se passer ni des moyens, ni même
d'elle même. Elle l'a si bien compris qu'elle se moque de ses
élèves qui n'arrivent même pas à sa hauteur. Elle à compris
que, dans le système socialiste, l'exploitation et la violence
organisée contre la majorité de la masse laborieuse ne
suppriment nullement la vie débauchée et le parasitisme des
fainéants, qu'en fait l'exploitation ne change que de nom puis
croît et se renforce. Et c'est bien ce que la réalité nous
confirme. Il n'y a qu'à constater la maraude des bolcheviks et
leur monopole sur les conquètes révolutionnaire du peuple,
ainsi que leur police, leurs tribunaux, prisons et armée de
geôliers, tous employés contre la révolution. L'armée
"rouge" continue d'être recrutée de force! On y
retrouve les mêmes fonctions qu'auparavant, bien qu'elles s'y
dénomment autrement, en étant encore plus irresponsable et
devoyées.
Le libéralisme, le socialisme et
le communisme d'Etat sont trois membres de la même famille
empruntant des voies différentes pour exercer leur pouvoir sur
l'homme, afin de l'empêcher d'atteindre son plein
épanouissement vers la liberté et l'indépendance en créant un
principe nouveau, sain et authentique à partir d'un idéal
social valable pour tout le genre humain.
"Revolte-toi! déclare
l'anarchiste révolutionnaire à l'opprimé. Insurge-toi et
supprime tout pouvoir sur toi et en toi. Et ne participe pas à
en créer un nouveau sur autrui. Sois libre et défends la
liberté des autres contre toutes atteintes!"
Le pouvoir dans la société
humaine est sourtout prôné par ceux qui n'ont jamais vécu
véritablement de leur propre travail et d'une vie saine, ou
bien, encore, qui n'en vivent plus ou qui ne veulent pas en
vivre. Le pouvoir d'Etat ne pourra jamais donner la joie, le
bonheur et l'épanouissement à une société quelle qu'elle
soit. Ce pouvoir à été créé par des fainéant dans le but
unique de piller et d'exercer leur violence, souvent meurtrière,
contre tous ceux qui produisent, par leur travail - que ce soit
par la volonté, l'intelligence ou les muscles - , tout ce qui
est utile et bon dans la vie de l'homme.
Que ce pouvoir se qualifie de
bourgeois, de socialiste, de bolchevik-communiste, d'ouvrier ou
de paysan, cela revient au même: il est tout aussi nocif à
l'individualité saine et heureuse et à la sociètè dans son
ensemble. La nature de tout pouvoir d'Etat est partout identique:
anéantir la liberté de l'individu, le transformer
spirituellement en laquais, puis de s'en servir pour les besognes
les plus sâles. Il n'y a pas de pouvoir innofensif.
"Frère opprimé, chasse en
toi le pouvoir et ne permet pas qu'il s'instaure ni sur toi ni
sur ton frère, proche ou lointain!"
La vraie vie, saine et joyeuse, de
l'individu et de la collectivité ne se construit pas à l'aide
du pouvoir et de programmes qui tentent de l'enfermer en des
formules et des lois écrites. Non, elle ne peut s'édifier qu'à
partir de la liberté individuelle, de son oeuvre créatrice et
indépendante, s'affirmant par les phases de destruction et de
construction.
La liberté de chaque individu
fonde la société libertaire; celle-ci atteit son integralité
par la décentralisation et la réalisation but commun: le
communisme libertaire.
Lorsque nous nous représentons la
société communiste libertaire, nous la voyons comme une
société grandiose et harmonieuse dans ses relations humaines.
Elle repose principalement sur les individus libre qui se
groupent en associations affinitaires - que ce soit par
intérêt, nécéssité ou penchants -, garantissant une justice
sociale à titre égal pour tous en se liant en fédérations et
confédérations.
Le communisme libertaire, c'est
une société qui se fonde sur la vie libre de tout homme, sur
son droit intangible à un développement infini, sur la
suppression de toutes les injustices et de tous les maux qui ont
entravé le progrès et le perfectionnement de la société en la
partageant en couches et en classes, sources de l'oppression et
de la violence des uns sur les autres.
La société libertaire se donne
pour but de rendre plus belle et plus radieuse la vie de chacun,
au moyen de son travail, de sa volonté et de son intelligence.
En plein accord avec la nature, le communisme libertaire se fonde
par conséquent sur la vie de l'homme pleinement épanoui,
indépendant, créateur et absolument libre. C'est la raison pour
laquelle ses adeptes apparaissent dans leur vie comme des êtres
libres et radieux.
Le travail et les relation
fraternelles entre tous, l'amour de la vie, la passion de la
création belle et libre, toutes ces valeurs motivent la vie et
l'activité des communistes libertaires. Ils n'ont nul besoin de
prisons, de bourreaux, d'espions et de provocateurs, utilisés
par contre en grands nombre par le socialistes et communistes
étatistes. Par principe, les communistes libertaire n'ont aucun
besoin des bandits et assassins à gages dont le pire exemple et
le chef suprème est en fin de compte, l'Etat. Frère opprimé!
Prépare-toi à la fondation de cette société là, par la
reflexion et au moyen de l'action organisée. Seulement,
souviens-toi que ton organisation doit être solide et constante
dans son activité sociale. L'ennemi absolu de ton émancipation,
c'est l'Etat; il s'incarne au mieux par l'union des cinq types
suivants: le propriétaire, le militaire, le juge, le prêtre et
celui qui est leur serviteur à tous, l'intellectuel. Dans la
plupart des cas, ce dernier se charge de prouver les droits
"légitimes" de ses quatre maître à sanctionner le
genre humain, à normaliser la vie de l'homme sous tous ses
aspects individuels et sociaux, cela en déformant le sens des
lois naturelles pour codifier des lois "historiques et
juridiques", oeuvres criminelles de plumitifs stilipendiés.
L'ennemi est très fort car,
depuis des millénaires, il vit de pillages et de violences; il
en a retiré de l'expérience, il a surmonté des crises internes
et il adopte maintenant une nouvelle physionomie, étant menacé
de disparition par l'apparition d'une science nouvelle qui
reveille l'homme de son sommeil séculaire. Cette science
nouvelle libère l'homme de ses préjugés et lui fournit des
armes pour se découvrir lui-même et trouver sa véritable place
dans la vie, malgrè tous les efforts des apprentis-sorciers de
l'union des "cinq" pour l'empêcher d'avancer sur cette
voie.
Ainsi une telle modification du
visage de notre ennemi, frère opprimé, peut être remarqué,
par exemple, dans tout ce qui sort du cabinet des savants
réformateurs de l'Etat. Nous avons pu observer d'une mainère
caractéristique cette métamorphose lors des révolutions que
nous avons vécues nous-même. L'union des "cinq",
l'Etat, notre ennemi, parut au début disparaître complètement
de la terre...
En réalité, notre ennemi ne fit
que changer d'apparence et se découvrit de nouveau alliés qui
oeuvrèrent criminellement contre nous: la leçon des
bolcheviks-communistes en Russie, en Ukraine, en Georgie, et
parmis de nombreux peuples d'Asie centrale est très édifiante
à ce égard. Cette époque ne sera jamais oubliée par l'homme
qui combat pour son émancipation, car il car il saura se
rappeler ce qu'il y a eu de cauchemardesque et de criminel.
Le seul et le plus sûr moyen qui
s'offre à l'opprimé dans sa lutte contre le mal qui
l'enchaîne, c'est la révolution sociale, rupture profonde et
avancée vers l'évolution humaine.
Bien que la révolution sociale se
développe spontanément, l'organisation déblaie sa voie,
facilite l'apparition de brèches parmis les digues dressée
contre elle et accélère sa venue. Lanarchiste révolutionnaire
travaille dès maintenant à cette orientation. Chaque opprimé
qui tient sur lui le joug, en étant conscient que cette infâmie
écrase la vie du genre humain, doit venir en aide à
l'anarchiste. Chaque être humain doit être conscient de sa
responsabilité et l'assumer jusqu'au bout en supprimant de la
société tous les bourreaux et parasites de l'union des
"cinq", afin que l'humanité puisse respirer en toute
liberté.
Chaque homme et surtout
l'anarchiste révolutionnaire - en tant qu'initiateur appelant à
lutter pour l'idéal de liberté, de solidarité et d'égalité -
doit se rappeler que la révolution sociale exige pour son
évolution créatrice des moyens adéquats, en particulier des
moyens organisationnels constants, nottament durant la période
où elle détruit, dans un élan spontané, l'esclavage, et sème
la liberté, en affirmant le droit de chaque homme à un libre
développement ilimité. C'est précisément la période où,
ressentant la véritable liberté en eux et autour d'eux, les
individus et les masses oseront mettre en pratique les conquêtes
de la révolution sociale, que celle- ci éprouvera le plus grand
besoin de ces moyens organisationnels. Par exemple, les
anarchistes révolutionnaires ont joué un rôle
particulièrement remarquable lors de la révolution russe mais,
ne possédant pas les moyens d'action nécessaires, n'ont pu
mener à terme leur rôle historique. Cette révolution nous a,
d'ailleurs, bien démontré la vérité suivante: après s'être
débarassé des chaînes de l'esclavage, les masses humaines
n'ont nullement l'intention d'en créer de nouvelles. Au
contraire, durant les périodes révolutionnaires, les masses
recherchent des formes nouvelles d'associations libres pouvant
non seulement répondre à leurs élans libertaires,mais
défendre aussi leurs acquis lorsque l'ennemi s'y attaque.
En observant ce processus, nous
sommes constament parvenu à la conclusion que les association
les plus fertiles et les plus valables ne pouvaient être que les
union-communes, celles dont les moyens sociaux sont créés par
la vie même: les soviets libres. En se fondant sur cette même
conviction, l'anarchiste révolutionnaire se jette dans l'action
avec abnégation et il rappelle les opprimés à la lutte pour
les actions libres. Il est convaincu qu'il ne faut pas seulement
manifester les principe organisationnels fondamentaux et
createurs, mais aussi se donner les moyens de défendre la vie
nouvelle contre les forces hostiles. La pratique montre que cela
doit être réalisé de la manière la plus ferme et soutenue par
les masses elles-même, directement sur place.
En accomplissant la révolution,
pousées par l'anarchisme naturellement en elles, les masses
humaines recherchent les associations libres. Les assemblées
libres retiennent toujours leur sympathie. L'anarchiste
révolutionnaire doit les aider à formuler le mieux possible
cette démarche. Par exemple, le problème économique de
l'association libre des communes doit trouver sa pleine
expression par la création de coopératives de production et de
consommation, dont les soviets libres seraient les promoteurs.
C'est par l'intermédiaire des
soviets libres, durant le développement de la révolution
sociale, que les masses s'empareront directement de tout le
patrimoine social: la terre, les forêts, les fabriques, les
usines, les chemins de fer et transports maritimes, ect., puis,
se regroupant selon leurs interêts, leurs affinités ou l'idéal
commun, elles construiront leur vie sociale de la façon la plus
variée et appropriée à leurs besoins et désirs.
Il va sans dire que cette lutte
sera pénible; elle provoquera un grand nombre de victimes, car
elle opposera pour la dernière fois l'humanité libre et le
vieux monde. Il n'y aura pas de place à l'hésitation ni au
sentimentalisme. Ce sera à la vie et à la mort! Du moins c'est
ainsi que devra le concevoir chaque homme qui attache de
l'importance à ses droits et à ceux de l'humanité entière,
s'il ne veut pas demeurer un âne bâté, un esclave, comme on le
force à l'être actuellement.
Lorsque le raisonnement sain et
l'amour autant de soi-même que d'autrui prendront le dessus dans
la vie, l'homme deviendra le véritable createur de sa propre
existance.
Organise-toi, frère opprimé,
fais appel à tous les hommes de la charrue et de l'atelier, du
banc d'école du lycée et de l'université, sans oublier le
savant et l'intellectuel en général, afin qu'il sorte de son
cabinet et te porte secours sur ton pénible chemin. Il est vrai
que neuf intellectuels sur dix ne pourront pas répondre à ton
appel ou bien, s'il le font, ce sera avec l'arrière pensée de
te tromper, car n'oublie pas que ce sont de fidèles serviteur de
l'union des "cinq". Il y en aura tout de même un sur
dix qui s'avèrera être ton ami et t'aidera à déjouer la
tromperie des neuf autres. En ce qui concerne la violence
physique, la force grossière des gouvrenant législateurs, tu
l'écartera avec ta propre violence.
Organise-toi, appelle tout tes
frères à rejoindre le mouvement et exige de tous les
gouvernants de mettre fin volontairement à leur lâche
profession de régenter la vie de l'homme. S'ils refusent,
insurge-toi, désarme les policiers, les miliciens et autres
chiens de garde de l'union des "cinq". Arrête pour le
temps nécessaire tout les gouvernants, déchire et brûle leurs
lois! Détruis les prisons, anéantis les boureau, supprime tout
pouvoir d'Etat!
De nombreux tueurs à gages et
assassins se trouvent dans l'armée, mais tes amis, les soldats
mobilisés de force, y sont présents aussi, appelle-les à toi,
ils viendront à ton secour et t'aideront à neutraliser les
mercenaires.
Après s'être tous réunis en une
grande famille, frères, nous irons ensemble sur la voie de la
lumière et du savoir, nous éloignerons les ténèbres et
marcherons vers l'idéal commun de l'humanité: la vie
fraternelle et libre, la société où personne ne sera plus
jamais esclave ni humilié par quiconque.
A la violence grossière de nos
ennemis, nous repondrons par la force compacte de notre armée
révolutionnaire inssurectionnelle. A l'incohérence et
l'arbitraire, nous répondrons en construisant avec justice notre
nouvelle vie, sur la base de la responsabilité de chacun, vraie
garantie de la liberté et de la justice sociale pour tous.
Seuls, les criminels sanguinaires
de l'union des "cinq" refuseront de se joindre à nous
sur la voie novatrice; ils tenteront de s'y opposer pour
conserver leurs privilèges, ce en quoi ils se condamneront
eux-mêmes.
Vive cette conviction claire et
ferme en la lutte pour l'idéal de l'harmonie humaine
généralisée: la société anarchiste!
Nestor MAKHNO.
Probouzdénié, n°18, janvier 1932, pp. 57-63, et n° 19-20,
fevrier-mars 1932, pp.16-20.
Extrait de A. Skirda "La lutte contre l'Etat et autres
écrits" Ed. J-P Ducret 1984.